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devant ceux de David Livingstone. Rien ne saurait mieux démontrer l’utilité des Missions pour la géographie, que l’énoncé de ses découvertes. Rendons d’abord hommage à son beau-père, le révérend Moffat, qui, d’après les critiques les plus compétens, a frayé la voie à Livingstone. Les voyages du révérend Moffat aux pays des Namas et des Baïlapis, son long séjour à Kourouman, ses visites à Mosilikatse furent fertiles en résultats ; dans ses rapports souvent accompagnés d’une carte, il a rectifié et complété les renseignemens des missionnaires portugais. Quant à son gendre, il faudrait des volumes pour enregistrer toutes ses explorations[1]. Voici les principales. Sa découverte d’un grand fleuve sortant du lac Nyassa (16 septembre 1859) ; la reconnaissance de l’extrémité du lac Tanganyika (1867) et celle du Bangweolo (1868) marquent les étapes de la conquête du continent noir. Et pourtant cet explorateur de génie écrivait modestement dans un de ses rapports : « La fin de l’exploration géographique n’est que le commencement de l’œuvre missionnaire. » Il aurait pu ajouter que la prédication de l’Evangile à ces populations, décimées par la traite et opprimées par des tyrans sanguinaires, était inséparable de la rédemption des esclaves. Personne, on le verra plus loin, n’a dénoncé et combattu plus énergiquement cet abominable trafic de chair humaine. L’action de Livingstone dans l’Afrique du XIXe siècle nous rappelle, à beaucoup d’égards, celle de Las Casas[2], l’apôtre et le protecteur des Indiens dans l’Amérique espagnole, trois siècles plus tôt. Tous deux, bien que fils de deux races et ministres de deux églises différentes, savaient que le salut d’une âme immortelle a plus d’importance que la conquête de tous les trésors d’un monde nouveau. Tous deux joignaient à la pitié des grands cœurs pour les opprimés l’intelligence des vraies conditions de la prospérité coloniale. Tous deux enfin, dénoncés, calomniés et persécutés par les avides traitans et les « conquistadores » impitoyables, et à peine soutenus par leurs souverains, ont été salués du titre de bienfaiteurs de l’humanité par la postérité reconnaissante.

On sait que le projet de chercher à l’Ouest un plus court

  1. Voyez Rodolphe Reuss, D. Livingstone, missionnaire, voyageur et philanthrope, Paris, 1885.
  2. Voy. G. Appia, la Mission sanglante et le réparateur. Étude sur Las Casas, Paris, 1903.