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l’article 1er, qui supprime l’enseignement congréganiste à tous les degrés, et par conséquent toutes les congrégations enseignantes. L’article est voté, le fait est acquis : rien ne peut donc ressusciter l’enseignement congréganiste, à moins d’une autorisation spéciale qui pourrait être demandée et obtenue pour exercer hors de France et qui permettrait dès lors d’ouvrir en France même des noviciats très restreints. Il y a, en tout cela, plusieurs contradictions qu’il est pour le moment inutile de signaler. Mais, certes, la pensée que M. Combes prête à M. Leygues n’est pas celle qu’il a eue, — et il l’a expliqué depuis, — ni celle qu’a eue la Chambre lorsqu’elle a voté son amendement. M. Leygues a voulu conserveries noviciats actuels, et le vote de la Chambre a eu la valeur d’une autorisation donnée ou maintenue aux congrégations qui enseignent dans les colonies ou à l’étranger. Ou le vote de la Chambre ne signifie rien, ou il signifie cela ; mais M. Combes ne s’embarrasse pas de ce dilemme : pour lui, le vote ne signifie rien. Ce sont là jeux parlementaires ; les scrutins se suivent et ne se ressemblent pas ; le sens d’un vote vient contredire celui de l’autre, et il n’en reste finalement qu’obscurité ou confusion. Tel est l’effet produit par l’addition de M. Dumont. Quant au commentaire qu’il a plu à M. Combes de donner après coup de l’amendement de M. Leygues, l’autorité en est faible et la portée contestable. Une fois votées, les lois valent par leur texte et non pas par les interprétations qui en ont été données pendant ou après le débat. La parole, même d’un ministre, même d’un rapporteur, ne fait nullement jurisprudence. On l’a vu naguère à propos d’un des articles les plus importans de la loi du 1er juillet 1901. M. Waldeck-Rousseau l’a interprété à la tribune dans un certain sens, qui, disait-il, ne pouvait pas être douteux. Cela n’a pas empêché le Conseil d’État et les tribunaux de l’interpréter par la suite dans un sens tout opposé. La manière dont M. Combes a compris l’amendement de M. Leygues aura son effet aussi longtemps qu’il restera lui-même au ministère ; mais pourquoi, après lui, ses successeurs ne traiteraient-ils pas sa loi comme il a traité lui-même celle de M. Waldeck-Rousseau ? Des paroles de tribune, autant emporte le vent : les textes seuls demeurent.

On le voit, tout ce débat a été fort cahoté. La majorité pour ou contre le gouvernement a été, dans les momens critiques, d’une dizaine de voix. Et si l’on songe qu’il y a sept ministres députés, qui ne manquent jamais de prendre part au scrutin, la majorité apparaît aussi peu élevée que possible. Celle qui s’est formée sur l’ensemble de la loi a été finalement de 47 voix.