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on fait soigner les plus malades dans des hôpitaux spéciaux[1].

Il est plus difficile de combattre le libertinage et le concubinage, surtout dans les pays musulmans, dont la loi religieuse autorise la polygamie. Aussi les missionnaires commencent-ils par le plus urgent, c’est-à-dire par tenter d’abolir le dévergondage et la prostitution publique. C’est à cela que tendent les efforts d’un groupe d’Hindous et de Japonais, chrétiens ou subissant l’influence des missionnaires. Les premiers ont pris, à Madras en 1895, l’initiative du mouvement de presse et de conférences, connu sous le titre d’Anti-nautch-movement, et qui a pour but d’empêcher cette exhibition des courtisanes sacrées dans des fêtes nuptiales et des cérémonies publiques. Ils ont déjà réussi, avec l’aide du vice-roi des Indes britanniques, à les faire interdire dans ces dernières, mais pas encore dans les familles.

Nous apprenons qu’au Japon, où existe un usage analogue et où l’on fait même danser les djouros dans les cérémonies de rentrée d’écoles de musique de jeunes filles[2], une sérieuse réaction se produit contre cette coutume, qui accuse une étrange conception de la dignité de la femme. Les chrétiens de ce pays ont été plus heureux encore dans la campagne entreprise depuis 1890 pour abolir la prostitution légale. Ici, c’est l’Union de tempérance des femmes chrétiennes (W. C. T. U.) qui a pris l’initiative du mouvement. En 1895, ces dames obtenaient un premier succès : elles firent, par l’intermédiaire du Consul général du Japon à San Francisco, abolir le trafic des djouros en Californie. Enfin, en 1897, après avoir présenté sept années de suite au Parlement japonais une pétition tendant à supprimer la réglementation officielle de la débauche, elles virent leurs efforts couronnés par un vote de la Haute Chambre, qui consacra le principe de leur demande.

Ainsi, d’une manière générale, les missionnaires introduisent chez leurs néophytes des règles de propreté et d’hygiène, qui sont plus étroitement liées qu’on ne pense à la question d’ordre et de pureté morale. Quant aux tendances pessimistes ou morbides, qui mènent tant de fois au suicide, ils les combattent par

  1. La ligue contre l’opium, fondée à Chang-Haï, sous la présidence du Révérend H. -C. du Bose, a non seulement favorisé partout des sociétés d’affiliés, mais fondé des hospices pour les fumeurs d’opium dans une douzaine des principales villes de la Chine.
  2. G. Burghard, le Japon d’aujourd’hui, Revue Bleue, 21 juillet 1900.