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morale, et c’est justement celle dont on pourrait attendre un élan vers le bien. C’est là, et non pas dans la situation politique, que gît le mal. Les racines mêmes de leur vie morale sont pourries. Les hommes parlent de leurs droits et de leurs privilèges. Eh bien ! j’ai vu les femmes qui ont engendré ces hommes, et je m’écrie : Que Dieu pardonne à ces derniers ! »

Quels principes, en effet, quels sentimens voulez-vous que des mères, ainsi traitées, inspirent à leurs fils ? La mère païenne, hindoue, chinoise ou soudanaise, pourra faire une excellente nourrice ; elle saura défendre son enfant contre les brutalités d’un maître ou les griffes d’un fauve ; elle saura puiser dans son amour un courage héroïque, mais, quant à faire l’éducation intellectuelle ou morale de ses enfans, comment le pourrait-elle ? Elle-même est ignorante, elle n’a nulle conscience de sa mission éducatrice.

C’est à ces misères de la famille païenne que les missionnaires ont essayé de porter remède. Pour le faire, ils n’ont eu qu’à s’inspirer de l’Évangile, qui a relevé et ennobli l’idéal de la femme, en lui reconnaissant, comme à l’homme, une âme immortelle, et à suivre les traditions de la chevalerie, qui a exalté ce type admirable de la Vierge Marie, tenant dans ses bras le divin enfant, titre de noblesse de la femme !

Voici par quels moyens. Ils ont, avant tout, porté leurs efforts sur l’éducation des jeunes filles. Les sœurs de Saint-Vincent de Paul et les dames de Saint-Joseph (de Cluny) d’un côté, et, de l’autre, les femmes missionnaires anglaises ou américaines ont établi en pays musulman, en Syrie et en Hindoustan, en Chine, au Japon et jusque dans les îles lointaines de l’Océanie, des pensionnats de demoiselles indigènes. De la sorte, ces jeunes filles, soustraites de bonne heure aux influences d’un milieu vulgaire, quand il n’est pas déjà vicieux, sont imbues de la morale évangélique ; elles contractent des habitudes d’hygiène et des idées de pureté, qui, même quand elles restent dans la religion de leurs pères, leur servent plus tard de sauvegarde. Tels sont les pensionnats des Filles de la Charité à Constantinople et à Alexandrie, à Beyrouth et à Smyrne, dont nous avons vu de si beaux spécimens d’ouvrage au pavillon des missions catholiques, à l’Exposition de Paris en 1900. Tels sont les collèges de jeunes filles, ouverts par des Sociétés missionnaires à Scutari (près Constantinople), à Bombay, à Kioto (École Sainte-Agnès).

Une fois adultes, si ces jeunes filles ne se marient pas ou si