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après leur mariage elles deviennent veuves, on les encourage à former des associations, analogues aux « Enfans de Marie » ou aux Unions chrétiennes de jeunes filles, si fréquentes en pays anglo-saxons. Ces sociétés, tout en les préservant des distractions frivoles et entretenant chez elles un bon esprit, les aident à défendre leurs intérêts et ceux de leur sexe. On a vu tout à l’heure à l’œuvre l’une de ces Unions de femmes chrétiennes au Japon. Aux Indes, les missionnaires ont ouvert récemment à, Bombay un home spécialement destiné aux femmes hindoues, qui suivent les cours de l’Université. À ce point de vue, Bombay est mieux partagé que Paris et marche sur les traces de l’Université de Chicago. Ces établissemens d’instruction ont révélé chez les femmes chinoises et japonaises des aptitudes remarquables pour les sciences naturelles et la médecine. Les Hindoues, en revanche, se distinguent par leurs dons oratoires ou leur talent littéraire. Nous avons signalé plus haut l’action sociale bienfaisante exercée par la pundila Ramabaï ; nous mentionnerons encore Mme Krupabaï Satthianadan[1]et les deux sœurs Sorabji, issues d’une famille parsi et aujourd’hui converties au christianisme. L’une, Cornélie, après avoir pris son grade de licencié en droit à Oxford, s’est fait inscrire comme avocat au barreau de Calcutta ; l’autre, Alice, a obtenu la licence ès sciences. Mais, la plus remarquable est Mme Amandibaï Joshi qui, à peine âgée de 18 ans, partit pour l’Amérique, et qui, en 1886, obtint, elle la première femme hindoue, le grade de docteur de l’École de médecine pour dames à Philadelphie.

Dans les contrées non civilisées, comme au centre de l’Afrique, il ne suffit pas de relever la condition intellectuelle et morale de la femme, il faut reprendre par la base l’édifice de la famille et resserrer avant tout le lien conjugal, en le faisant consacrer par la religion ou par la loi civile. En effet, d’un foyer familial relâché et divisé il ne peut sortir que des chagrins pour la mère et l’abandon moral pour les enfans. C’est là ce que le cardinal Lavigerie, avec sa grande intelligence des choses coloniales, j’allais dire son génie civilisateur, avait compris de prime abord. Aussi lorsque, à la suite d’une famine et d’une épidémie de choléra, qui décimèrent la population de l’Algérie (1867), il eut recueilli des centaines d’orphelins arabes, leur fit-il donner une

  1. Voyez l’article de Mlle Menant sur une romancière hindoue. Revue chrétienne, novembre 1897.