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instruction agricole, en même temps qu’il leur inculquait les doctrines et la morale chrétiennes. Quand ils furent arrivés à l’âge adulte, il les maria à des orphelines, élevées dans les mêmes principes et, de ces couples d’Arabes chrétiens, il peupla les villages de Saint-Cyprien des Attafs et de Sainte-Monique[1]1868). Ces pupilles de l’archevêque d’Alger crûrent et se multiplièrent ; entre tous les autres villages, ils se firent remarquer par leur travail, leur moralité, et leur attachement à la France, de sorte que l’assimilation de ces indigènes a dépassé toutes les espérances. A l’autre extrémité de l’Afrique, dans le Zanguebar allemand, les Pères du Saint-Esprit ont fondé le bourg de Bagamayo, avec des ateliers pour les indigènes, et, non loin de là, ils ont peuplé le village de Saint-Joseph, avec des orphelins, rachetés de l’esclavage et éduqués par eux[2].

Hier encore, Mgr Leroy, le supérieur de cette congrégation de missionnaires, qui a passé lui-même de longues années dans l’Afrique occidentale, s’efforçait de consolider le foyer domestique des noirs. Il avait observé que le lien conjugal, chez ces peuples polygames, est des plus éphémères, à cause du droit de répudiation laissé au mari et que, partout, la situation des enfans est précaire. Car, en principe, après le départ de la mère, ils restent au père, comme chef de famille, et doivent être nourris par lui, et risquent fort, surtout les filles, d’être maltraités par les autres épouses qui ont gardé la faveur du maître. D’autre part, les formalités assez compliquées de notre code et surtout l’absence d’état civil, empêchaient en général les indigènes de recourir au mariage civil. Frappé de ces inconvéniens et après s’être assuré du concours de nos résidens au Gabon et au Congo, Mgr Leroy consulta l’éminent et regretté avocat général à la Cour de Cassation, feu M. Arthur Desjardins et, avec son aide, il réussit à organiser une forme de mariage simplifiée, qui permettra désormais à nos protégés de contracter des unions plus stables, au plus grand avantage de la famille.

Mais ce qui, plus que les meilleures lois et les écoles professionnelles les mieux outillées, aide à propager chez les indigènes un idéal familial supérieur, c’est, dans les stations protestantes, le spectacle de la famille du missionnaire. Et ici, nous sommes

  1. Abbé F. Klein, le cardinal Lavigerie et ses œuvres d’Afrique, Tours, 1897, in-8o.
  2. Voyez P. Piolet, Missions catholiques françaises, t. V, p. 486.