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Dinguira et de Makandiambougou près Kita, au Soudan, ceux de Sainte-Anne de Fernan-Vaz et de Sainte-Elisabeth, au Gabon. Ces mêmes religieux ont peuplé les bourgs de Kayes et de Kita (Haut Sénégal) d’enfans esclaves, rachetés. A leur tour, les Pères Blancs ne restaient pas en arrière de cette œuvre civilisatrice ; ils formaient le village de Segou-Sikoro avec 50 esclaves, délivrés par nos soldats (1896) et ouvraient des ateliers pour les nègres affranchis dans leurs stations de Bouyé, de Kita et de Timbouktou. Auprès d’eux, les « Sœurs blanches » organisaient des refuges similaires pour les négresses[1]. En dernier lieu, deux villages de liberté ont été fondés par les vaillans enfans du cardinal Lavigerie ; l’un d’eux a été baptisé du nom de Saint-Henri, en l’honneur du vénéré président de la Société anti-esclavagiste de France, M. Henri Wallon (1900).

De leur côté, les missions protestantes avaient fondé la colonie de Libéria, pour rapatrier des esclaves affranchis et qui végétaient en Amérique, et l’asile de « Freretown » (près Mombasa), pour des nègres fugitifs.

On sait la façon dont la plupart des rois africains traitent leurs prisonniers de guerre ; ils font décapiter tous les hommes valides et les vieillards, ne gardant pour la servitude que les adolescens et les femmes. C’est ce qui a fait dire que l’esclavage était la première atténuation du droit de la guerre, si tant est que la mort ne vaille pas mieux que le sort infligé à ces captifs ! Le mépris de la vie humaine est le trait distinctif et commun à toutes les nations non chrétiennes, qu’elles soient plus ou moins civilisées. À ce point de vue, la Chine ne vaut guère mieux que le Vieux Calabar ou le Dahomey. Mais, il y a pis encore. Un grand nombre de tribus sauvages ne se contentent pas de tuer les vaincus, elles les mangent. Que dis-je ? Il y en a, comme les Maoris (de la Nouvelle-Guinée), ou certains nègres du Congo (entre le Lualaba et le Lomani), qui les engraissent pendant plusieurs semaines, pour leur faire une chair plus succulente. Le cannibalisme est une pratique très répandue dans le monde païen, depuis l’Amérique centrale, en traversant l’Afrique, jusqu’en Océanie. Lorsque John Williams, évangéliste de la Société de Londres, débarqua pour la première fois

  1. Il faut signaler aussi la Société de Saint-Pierre Claver, fondée en 1894 par la comtesse Ledochovska et composée de femmes qui se dévouent au salut des nègres d’Afrique.