Page:Revue des Deux Mondes - 1904 - tome 20.djvu/928

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’autonomie administrative ; le parti avancé réclame un Parlement-gallois, dont le gallois serait la langue officielle. Depuis 1889 la Principauté a obtenu des Conseils de comté élus.

Sous les lois générales de la Constitution anglaise et l’autorité de la couronne, la vieille nation cambrienne a repris une vie indépendante qui, se ressaisissant chaque jour, atteste l’existence de forces contre lesquelles nulle puissance n’a pu prévaloir. — Sept siècles durant, l’esprit de la conquête anglo-normande s’acharna contre les races vaincues. Nous pouvons suivre en Irlande, en Écosse et au Pays de Galles les vicissitudes diverses d’une telle lutte. L’histoire de ces nations politiquement anéanties depuis des siècles, et d’une personnalité si vivante encore, nous permet de contempler le triomphe d’une âme collective qui a voulu vivre. Mais de quelle éclipse et de quelle diminution l’antique puissance bretonne n’a-t-elle pas, ici, expié les illusions d’une sensibilité passionnée et d’un idéalisme chimérique aux prises avec un bras vigoureux, servi par une volonté disciplinée ! Et pourtant elle n’a pas péri tout entière. Ses traditions, ses souvenirs, sa langue, voilà les armes dont s’est servi le Pays de Galles pour défendre ce que n’avait pu lui prendre la conquête. C’est pourquoi son histoire est pathétique. Elle nous révèle la suprême grandeur d’un peuple et le drame même de sa destinée, l’effort de son âme pour maintenir le corps qu’elle a construit et organisé, ses luttes contre les forces qui tendent à le détruire et, jusque dans la défaite, cette victoire par laquelle l’âme qui a mérité de vivre plane immortelle au-dessus de la mort.


FIRMIN ROZ.