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pas paru soupçonner (19 mars). L’émotion fut vive : c’était déchirer publiquement une portion du traité de Prague. Peut-être avec un ministre un peu moins endurant que Beust, une protestation eût pu arriver de Vienne : elle ne vint pas. Beust accepta en douceur cette nouvelle déchéance de l’Autriche, et ne se plaignit pas à Berlin. Ce fut Benedetti qui vint demander des explications à Bismarck. « Ces traités, répondit celui-ci, n’ont rien de nature à vous inquiéter, malgré les termes de leurs libellés, ils sont purement défensifs, et n’obligent pas les contractans à participer à une guerre offensive. Leur publication n’est pas une réponse aux discours du Corps législatif ; elle était résolue depuis quelque temps et elle avait été retardée pour qu’elle ne coïncidât pas avec ces débats. Son unique motif est le désir de venir en aide à l’ami qui est à la tête du gouvernement bavarois, le prince de Hohenlohe. L’opposition lui reproche d’avoir inauguré une politique antinationale ; les traités démontrent que le prince reste dans la voie où son prédécesseur, dont le patriotisme n’est pas suspect, avait engagé la Bavière avec l’assentiment du Roi. » Il se rappelait le conseil de Frédéric à son ministre : « Faites bien mon charlatan, prenez votre meilleur orviétan et du bon or pour dorer vos pilules. »

Du reste, il protesta que ses dispositions à l’égard du Luxembourg demeuraient toujours les mêmes. Il venait d’en donner un témoignage public. Un député l’ayant interrogé sur cette affaire, il avait écarté par la raillerie l’interrogation indiscrète. Il fit ensuite un acte encore plus significatif, qui n’était pas une simple promesse de charlatan. Il avait laissé jusque-là sans réponse l’offre de la Hollande d’une alliance offensive et défensive contre la France. Il s’excusa par sa grave indisposition de n’y avoir pas répondu plus tôt, en ajoutant qu’il croyait devoir ajourner la discussion de cette affaire (27 mars). Le ministre de Hollande à Berlin, Bylandt, télégraphiait à son tour : « Qu’on voulait la convention, tout en restant libre de la blâmer ; qu’on pouvait conclure sans crainte. »

Le Roi ne se décidant pas, on eut recours aux petits moyens : il y avait à Paris une certaine dame galante très influente sur lui ; on l’intéressa à l’affaire ; elle obtint ce qu’il avait refusé à la diplomatie ; et le Roi apprit à Baudin, le 26 mars, qu’il consentait à la cession, mais qu’il était indispensable que l’Empereur s’assurât l’adhésion formelle de la Prusse. En effet il envoie son fils