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le plus formellement la nouvelle qu’une cession du Grand-Duché aurait eu lieu et de faire remarquer qu’il ne saurait être question d’une cession pareille qu’après que les grandes puissances intéressées se seraient aussi entendues à cet égard : » Le roi de Prusse, auquel cette note avait été directement adressée, l’envoya à Bismarck avec cette annotation en marge : « Ainsi, il y aurait lieu d’admettre que la question aurait été remise par nous dans la voie qui convient et qui prévient toute précipitation. Qu’en dira-t-il ? » (4 avril 1867.)


X

A Paris, malgré les avertissemens officieux de Bismarck, on n’avait rien ajourné et on était si plein de confiance que Moustier envoyait à Luxembourg un agent chargé de préparer les mesures matérielles de l’annexion. Il télégraphiait à Pétersbourg : « J’espère que le roi de Prusse et son gouvernement sauront éviter ce qui pourrait conduire à une guerre qui ne serait que trop populaire chez nous, car plus l’acquisition du Luxembourg est petite, moins nous pourrions supporter que le droit de faire même cette petite acquisition, nécessaire à notre sûreté, nous fût contesté. La France, au point où en sont les choses, ne saurait reculer, et il serait insensé de le lui demander. »

C’est cependant ce que fit Moustier avant qu’on le lui demandât. L’irritation au premier moment avait été extrême, tant contre le roi de Hollande que contre Bismarck. « Je suis dupé, avait dit l’Empereur à Sybel à qui il venait d’accorder la faveur de consulter nos archives, et on ne dupe pas impunément l’empereur des Français. » Si ces dispositions s’étaient maintenues, il ne restait qu’à entrer dans le Luxembourg, s’en emparer, sauf à y rencontrer la Prusse et engager la lutte inévitable. Mais on n’avait pas tardé à se calmer. L’Empereur, malade, n’était guerrier que par soubresauts ; il retombait toujours à ses dispositions pacifiques. Moustier, d’humeur encore moins belliqueuse, comprenait qu’après avoir reculé à faire la guerre pour le Rhin, pour la Belgique, s’y décider pour le Luxembourg, c’était s’exposer à une réprobation générale, d’autant plus foudroyante, que Bismarck n’eût pas manqué de tirer de son portefeuille le petit papier de Benedetti, dont l’encre était à peine séchée. Il avait mis jusque-là le poing sur la hanche ; il le détend et il le laisse tomber.