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l’établissement des recensemens scientifiques. Et ce phénomène semble avoir tellement frappé le gouvernement, que le dénombrement de 1901 a cessé d’enregistrer ces chiffres et d’en renouveler les cartes et graphiques qui rendaient si précieux le remarquable dénombrement de 1886. On pourrait voir dans cette perte absolue le signe irrémédiable de notre déchéance, le présage certain d’un anéantissement progressif de la race française, limitée à une population de vieillards, et à laquelle se substituerait lentement le nombre croissant des étrangers implantés sur notre sol.

Les esprits courageux voudront espérer qu’après avoir traversé pendant quelque temps un minimum, la race française aura la faculté de se ressaisir et de s’accroître à nouveau. En tous cas, il est bien évident, même pour les optimistes, que là doit être la préoccupation majeure, et que le premier des devoirs nationaux, à notre époque, est d’étudier dans quelle mesure on pourrait enrayer, pallier, combattre les menaces d’un tel désastre. Ce devoir se précise immédiatement en ce qui concerne les mesures qui pourraient être destinées à nous donner une organisation militaire meilleure et plus favorable au développement de la vie civile et de la famille.

Quels procédés pourraient assurer ce grand résultat ? On en peut concevoir plusieurs, depuis la réduction du temps de service jusqu’aux faveurs qu’accordent aux soldats pères de famille les propositions du rapporteur, et qui visent, soit une ancienne motion de M. Pourquery de Boisserin, soit les avantages que réservait, aux jeunes gens qui auraient contracté mariage avant l’époque du conseil de révision, la proposition de loi déposée au Sénat, en 1897, par M. Piot.

De toute manière, il faut aviser.

Un espoir non militaire peut se fonder sur les accroissemens de la race française au Canada, en Algérie et ailleurs, accroissemens qui démontrent jusqu’à l’évidence qu’il ne s’agit pas là d’un vice inhérent à la race, mais bien d’un concours de circonstances indéterminées qu’il importe d’étudier au plus vite, avec une méthode et une critique rigoureuses. Mais, en attendant les espérances qui peuvent apparaître du côté de nos naissances coloniales, il faut pallier les insuffisances métropolitaines, il faut surtout pouvoir durer dans l’expectative.

Oui, il y a évidence de danger, surtout si l’on considère qu’à