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rassurer votre mère et vous même, et soyez sûre que le ciel récompensera tôt ou tard votre vertu.

« la lettre que vous venez de m’écrire est pleine de raison et de sensibilité. Fortifiez l’une et l’autre par la lecture des bons livres. Je m’estimerai heureux d’y contribuer personnellement. Dans des temps plus tranquilles, j’aurais cherché à faire de vous mon élève ; dans ces temps orageux, je désire faire de vous mon amie. Bannissez donc de vos lettres l’expression froide de monsieur[1]. Suppléez-la par toutes celles que vous trouverez dans votre cœur fait pour aimer et pour être aimé. Quoique des correspondances en tout genre m’obligent d’abréger mes réponses, la vôtre me servira de consolation. Plus elle sera étendue, plus elle m’intéressera. Mon âme, fatiguée de la corruption des sociétés, se reposera sur la vôtre, douce, pure, solitaire, aimante, comme un voyageur sur un gazon frais.

« les affaires publiques m’obligent d’abréger le plaisir que je prends à vous écrire. J’entends par affaires publiques celles qui regardent mon service, car je ne sais point de nouvelles. J’appris hier au jardin où je vous cherchais, que vous étiez partie pour Essonne. Mandez-moi le plus tôt que vous pourrez ce que vous pensez dans votre solitude. Avez-vous des livres ? Oh ! que la nature est un grand et sublime livre ! Occupez-vous dans vos promenades du soin de me chercher une chaumière au milieu des bois, dans une lande ; tout me sera bon : c’est là que mon cœur resserré s’épanouira. Adieu, mon aimable Félicité, votre ami vous embrasse. Je verrai ce soir votre maman. »


Lettre n° 2. — De Félicité Didot[2] — d’Essones — 24 août 1792, — c’est probablement la seconde lettre écrite à Bernardin par Félicité. — Elle est inédite, sauf deux courts fragmens publiés par M. Maury. (Nous avons mis entre crochets les passages déjà publiés). — En haut, écrits à l’encre, sans doute par Aimé Martin, ces mots : « lettre qui prouve qu’il ne l’a pas séduite. »


A Monsieur,

Monsieur de Saint-Pierre,
auteur des Études de la Nature,
Rue de la Reine Blanche,

A Paris.


« [Qu’elle Obligation ne vous aige point O. le plus indulgent

  1. Ce mot est souligné dans le texte.
  2. Cette lettre porte le n° 33 dans la collection Gélis-Didot.