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profita guère d’abord de cette unité italienne à laquelle cependant contribuèrent d’illustres Génois, Nino Bixio et Mazzini, En 1870, le port de Gênes est un port non certes négligeable, mais secondaire[1]. Il est resté, à peu de chose près, au point de vue technique, ce qu’il était deux siècles et demi auparavant : la large rade naturelle n’est que médiocrement protégée par deux môles fort primitifs, le vieux môle à l’est, sous la jolie église de Santa Maria di Carignano, vieux comme la ville elle-même et refait en 1283 ; et, en face, le môle dit « neuf, » lequel ne date que de 1636. Toute la vie du port est resserrée sous l’aile du vieux môle, au pied de la vieille ville, qui, de là, s’étend en éventail sur les collines et le long de la mer. Hors de là, tout est vide ou à peu près ; peu ou point de quais, moins encore d’outillage, le débarquement se fait par chiatte, par « chattes » (le mot est resté à Marseille) ou chalands ; une seule ligne ferrée dessert le port, longeant les arcades de la fameuse « Terrasse de marbre » par la voie la plus populeuse, — et la plus dangereuse, — de la ville : on la baptisée la linea della morte ! Depuis des années on songe à améliorer cet état de choses ; mais, compétens et incompétens, ceux-ci plus encore que ceux-là, les Génois se disputent autour de la question technique de l’entrée du port, — orientale ou occidentale, bocca levante ou bocca ponente, — et finalement on ne fait rien, ce qui est en tout pays le seul moyen de mettre tout le monde d’accord.

Il fallut, pour venir à bout des querelles et de l’indifférence régnante, l’initiative d’un illustre patricien génois qui, ayant la vision claire des possibilités et de l’avenir de sa ville natale, voulut contribuer par un don royal au développement du port. Le marquis Raphaël Deferrari, duc de Galliera, fut, on le sait, le vrai promoteur de la renaissance commerciale de Gênes. Il mit, en 1876, à la disposition du Gouvernement, par une convention en forme, la somme de vingt millions de lires pour l’exécution d’un programme complet d’agrandissement et d’aménagement du port, en stipulant que le programme, à exécuter en douze ans, devrait satisfaire complètement aux besoins du commerce, sous la responsabilité de l’État, et le surplus des frais être supporté

  1. En 1870, le port de Gênes a un mouvement de moins de quatorze cent mille tonneaux de jauge et de huit cent mille tonnes de marchandises à l’entrée, tandis que Marseille a un tonnage d’entrée de près de deux millions de tonneaux de jauge et de plus de quinze cent mille tonnes de marchandises.