Page:Revue des Deux Mondes - 1904 - tome 21.djvu/451

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Un grand ciel se déploie entre les arbres roux.
La forêt, du passé, garde dans ses murmures
Le nom de ce qui fut un siècle, Chanteloup ;
Un peu de gloire, un peu de faste en ses ramures.

Et dans ses carrefours : celui du Grand Veneur,
La route de Penthièvre avec celle du Maître,
Le souvenir des sons de trompes, en l’honneur
Des Choiseul, s’élevant sous le chêne et le hêtre.

L’aveugle étang sans rien qu’il baigne ou qu’il reflète
N’est qu’une immense coupe aux multiples roseaux.
Autrefois il a vu plus d’une belle fête
Et des barques rayant le cristal de ses eaux.

Des barques débordant de chatoyantes soies,
De rameurs d’Opéra, de femmes en atours,
De musiques aussi, chantant les courtes joies,
Les dépits sourians des légères amours ;

Des marches, tout au bord, descendent vers la terre,
Où cette eau se perdit, détruisant son miroir
Et le passant rêveur, en l’éclat d’un beau soir
Songe aux Embarquemens, les derniers, pour Cythère.


Mme ALPHONSE DAUDET.