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que les inquiétudes à ce sujet n’ont pas encore complètement disparu. On annonce que les ministres étrangers présens à Pékin ont fait une démarche auprès du gouvernement chinois pour lui recommander avec force de persister dans la neutralité et dans l’abstention, jugées plus opportunes et même plus nécessaires que jamais. Elles le sont, certes, et nul n’y contredira ; mais cette démarche même prouve que les puissances n’ont pas une confiance absolue dans les intentions de la Chine, et qu’elles les estiment pour le moins un peu hésitantes. Si la démarche est rassurante dans ses résultats, — car le gouvernement chinois n’a pas manqué de protester qu’il maintiendrait sa neutralité, — elle l’est moins dans son origine, et il suffit qu’on l’ait crue indispensable pour inspirer quelques doutes sur les dispositions réelles du Céleste-Empire. Il restera neutre, nous n’en doutons pas, aussi longtemps que la fortune des armes restera elle-même en suspens, comme elle l’est encore aujourd’hui, entre les Russes et les Japonais ; mais, le jour où elle se prononcerait décidément en faveur de ces derniers, nous ne garantirions pas un jour de plus le maintien de la neutralité de la Chine, ni même, ce qui ne serait pas moins grave, le maintien, à l’intérieur, de la sécurité des étrangers. Et c’est pour cela qu’ils se trompent grandement, ceux qui, non pas chez nous où l’opinion est à peu près unanime en faveur de la Russie, mais dans certains pays étrangers, considèrent ingénument le Japon comme le représentant de la civilisation occidentale et souhaitent plus ou moins ouvertement son succès.

Quel serait le lendemain de ce succès ? Nous n’avons, en France, aucun mauvais sentiment à l’égard du Japon, pays à coup sûr très intelligent et très intéressant, en même temps que très courageux : toutefois, dans le conflit actuel, nos vœux sont pour la Russie, non seulement parce qu’elle est notre amie et notre alliée et qu’à ce double titre elle a droit a toute notre sympathie, mais encore parce que c’est elle qui est le véritable champion de l’Europe, et que sa défaite, si elle venait à se produire, préparerait et déchaînerait dans le monde la plus grande des révolutions. Nous ne serions pas les derniers à en ressentir les contre-coups.


Nous parlions, il y a quinze jours, du voyage de M. le Président de la République à Rome et des sentimens très chaleureux qu’il a fait naître en France comme en Italie. Nous avons été heureux de donner à nos voisins d’au-delà des Alpes ce témoignage de notre amitié,