Page:Revue des Deux Mondes - 1904 - tome 21.djvu/486

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

devait pas s’exposer à demander une audience qui lui aurait été certainement refusée.

Nous convenons volontiers qu’à côté des avantages qu’il présentait, son voyage à Rome, sans visite faite au Pape, risquait d’avoir l’inconvénient d’entretenir, d’alimenter, de surexciter les polémiques et les passions anti-religieuses dans les deux pays. Quelque effort que nous ayons fait pour lui enlever ce caractère de manifestation regrettable, d’autres devaient inévitablement le lui restituer en l’accentuant. C’est ce qui est arrivé ; mais la protestation du Saint-Père n’a-t-elle pas fourni de nouvelles armes à ceux qui travaillent dans ce dernier sens ? Si le Pape a voulu seulement, à propos d’un voyage qui n’avait pas de précédent historique, maintenir son affirmation contre l’occupation de Rome par le gouvernement italien, c’est son droit strict, et à cela nous n’avons rien à dire ; mais s’il se plaint que M. le Président de la République ait fait un acte offensant pour lui, il se trompe sur le caractère du voyage et encore plus sur les intentions dans lesquelles il a été accompli. Empressons-nous d’ajouter que ce n’est pas une raison pour répondre à sa note avec une dureté qui serait déplacée. Il faut tenir compte au Pape de la situation où il se trouve. Au premier moment, le gouvernement a communiqué une note aux journaux, dans laquelle il considérait que celle du Saint-Siège était nulle et non avenue ; il a dit ensuite qu’elle était inacceptable dans la forme et dans le fond, et que notre ambassadeur avait été chargé de le déclarer. Ne connaissant pas la forme de la note pontificale, nous n’avons sur elle aucune opinion. Quant au fond, il n’est pas autre chose qu’une confirmation nouvelle d’une attitude très ancienne : en quoi pouvions-nous en être blessés ? Nous n’avions rien à répondre au Saint-Père, et le silence eût été non moins respectueux que sage. Mais ceux qui poursuivent chez nous la campagne anti-religieuse, on sait avec quelle violence, et qui poussent de toutes leurs forces à la dénonciation du Concordat, on sait dans quels desseins, ont vu là une occasion qu’ils ne devaient pas laisser échapper. Pourquoi la leur avoir fournie ?

Francis Charmes.
Le Directeur-Gérant,
F. Brunetière.