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III

Il convient, croyons-nous, de descendre un peu de ces hauteurs, et la question se présente encore avec un caractère de grandeur qui la place au premier rang des conceptions du génie moderne.

L’idée première, avons-nous dit, a été celle d’un souterrain ; et plusieurs tracés ont été successivement étudiés. On fut tout d’abord séduit par cet îlot artificiel de Varnes que l’on se proposait de faire émerger au milieu du détroit. On se plaisait à lui donner une plate-forme d’une soixantaine d’hectares. Cette plateforme aurait été aménagée comme station d’un chemin de fer souterrain auquel on aurait accédé par des rampes en spirale. À l’air, sur les terre-pleins, on rêvait déjà d’édifier des constructions de toute nature, qu’on aurait développées le long des quais, défendus par des digues et des ouvrages avancés en mer, qui auraient été naturellement disposés de manière à procurer aux navires un avant-port de refuge ou de stationnement. L’îlot de Varnes aurait tout d’abord servi, pendant la période du forage du souterrain, à l’établissement d’un grand chantier ; et le tunnel sous-marin aurait eu ainsi quatre points d’attaque : un sur la côte française, un sur la côte anglaise, les deux autres au milieu du détroit sur l’îlot artificiel.

Le tracé qui passait ainsi par le banc de Varnes était celui du cap Gris-Nez à Folkestone, un peu plus long que celui de Calais à Douvres. Le projet de ce dernier fut étudié plus complètement et reçut même un commencement d’exécution. On peut en effet voir encore, d’un côté, sur la plage de Sangatte, à huit kilomètres à peine à l’ouest de Calais, et, vis-à-vis, sur la côte anglaise, derrière la barre de Saint-Margaret, couverte au sud par le promontoire de South-Foreland, à très peu de distance et au nord-est de Douvres, les hangars et les bâtimens qui renfermaient les machines perforatrices, et les amorces du tunnel creusé dans le roc, aujourd’hui abandonné, inaccessible et inondé.

À l’époque où furent dressés ces premiers projets, qui datent de plus d’un demi-siècle, la question de la perforation du massif calcaire qui forme le seuil sous-marin du détroit présentait encore quelques incertitudes ; elles sont aujourd’hui