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mais aussi bédouins que les gens des tribus non privilégiées, d’une culture restreinte, et disposés à envisager la force comme la ressource principale de l’Etat. C’était un gouvernement militariste, où dominait l’influence d’une sorte de noblesse rurale. Avec les secrétaires, qui sont des savans, et les oumana, qui sont des négocians, s’ouvre le régime des plus instruits et des plus riches ; et le Maroc voit poindre l’aurore d’un gouvernement d’intellectuels. Or la plupart de ces secrétaires et la totalité de ces oumana appartiennent à la population maure, dont le centre principal est Fez et qui essaime également à Rabat, Salé et Tétouan ; ce sont gens raffinés et cultivés, jouissant de la civilisation des villes citadines, hadhariya, et, affectant un mépris profond à l’égard des bédouins de la campagne ; ils se considèrent volontiers comme d’une essence supérieure et forment entre eux une oligarchie bourgeoise assez analogue à celle qui s’était constituée, au moyen âge, dans les grandes cités commerçantes de l’Europe. Ces secrétaires et ces oumana doivent à leur origine des goûts paisibles ; ils sont mieux préparés au maniement des affaires et portés à considérer la politique comme un moyen plus efficace que la guerre. Avec eux pénètre au makhzen la haute bourgeoisie des villes maures, ce qui assure la prépondérance de Fez.


III

Autour du sultan, se groupent les deux services du makhzen, le service de cour et le service d’Etat. Le siège de ces services est le Dar-el-makhzen, qui sert de résidence au souverain. Celui de Fez est situé en plein milieu de Fez-el-Djedid ; et ses murs élevés forment une masse rectangulaire au centre de la ville makhzen. Conformément à la division des services qu’il abrite, il comprend deux parties distinctes, réunies par un simple pas- sage, qui fait communiquer le palais du sultan avec celui du gouvernement. Chacune des deux enceintes a son entrée propre.

L’organisation de la cour marocaine est fort compliquée, et son personnel se trouve réparti entre un certain nombre de corporations, hanta, dont les unes sont affectées aux services intérieurs, les autres aux services extérieurs du palais. La corporation la plus rapprochée du souverain est celle des fraïguia, ou gens de la tente, qui, en campagne, sont chargés de l’afrag chérifien