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complètement dissipées, et l’œuvre technique en elle-même est de celles dont l’ingénieur peut garantir le succès. Mais, en prévision de difficultés imprévues que pouvait donner l’inflexion des couches de calcaire à une certaine profondeur au-dessous du seuil, on avait présenté deux solutions un peu différentes : la première consistait simplement dans l’immersion par sections d’un tube de fer, disposé au fond du détroit pour recevoir un muraillement intérieur en maçonnerie ; la seconde, dans le forage d’une voûte au fond de l’eau que l’on aurait avancée progressivement au moyen de cette sorte de blindage ou de carapace métallique qu’on désigne sous le nom de « bouclier, » et à l’abri duquel on peut exécuter des fouilles et établir le revêtement d’une galerie souterraine dans des conditions d’aérage et de sécurité satisfaisantes.

La traversée du détroit par une percée souterraine ou au moyen de tubes, immergés sur le seuil à une cinquantaine de mètres de profondeur au-dessous du niveau de la mer et reliés ensuite aux deux côtes par des plans inclinés ou des ascenseurs, dont le fonctionnement aurait certainement présenté quelques difficultés pour satisfaire à un trafic de plusieurs millions de tonnes et de voyageurs, a paru, pendant un certain temps, être la meilleure solution du problème[1]. Mais nos voisins d’outre-Manche, qui s’étaient montrés tout d’abord favorables à l’entreprise, lui ont fait, à plusieurs reprises, une opposition de principe, s’obstinant à l’envisager comme un danger pour la défense de l’Angleterre[2]. L’interruption de la communication pourrait cependant être si facilement et si rapidement obtenue en cas d’alerte qu’on ne saurait avoir à ce sujet des craintes réellement sérieuses. Les moyens de destruction dont on dispose aujourd’hui permettent en effet de considérer l’effondrement, la submersion ou l’obstruction de la galerie souterraine, sur le territoire du pays qui se croirait menacé ou qui, pour une raison quelconque, voudrait redevenir isolé, comme une opération aussi facile que rapide. Mais l’objection, quelque singulière et puérile qu’elle paraisse, n’en a pas été moins tenace et la perforation a été abandonnée. A vrai dire, au point de vue technique, cette perforation

  1. Voyez G. Valbert, l’Agitation anglaise contre le tunnel de la Manche, dans la Revue du 1er juin 1882.
  2. J. Fleury, la Traversée de la Manche : — Tunnel, Pont ou Navire. Paris, 1892.