Page:Revue des Deux Mondes - 1904 - tome 21.djvu/684

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

navires qui sillonnent le détroit auraient été exposés à venir se briser contre ces 340 obstacles. Le projet fut donc énergiquement repoussé et même un moment tout à fait oublié ; et l’International Railway Company dut être mise en liquidation. Mais cependant l’élan était donné. Les progrès de l’art de l’ingénieur, tant au point de vue des procédés de fondation que de l’emploi de l’acier fondu, marchaient avec une rapidité merveilleuse. L’ancienne société se transforma et devint the Channel Bridge and Railway Company ; et, avec le concours actif de l’ingénieur Hersent et de la compagnie du Creusot, le projet fut complètement remanié. On avait, comme encouragement et comme exemple, le magnifique pont récemment construit sur le Forth, qui franchit près d’Edimbourg un bras de près de 2 kilomètres et dont les travées métalliques de 525 mètres de portée ont 50 mètres de hauteur à leur milieu au-dessus de l’eau ; et on savait que sa mise en service avait presque immédiatement augmenté de 88 pour 100 le trafic de la compagnie du Nord Brilish Railway[1]. C’était un sérieux encouragement.

On suivait en outre avec un intérêt passionné les travaux en construction du pont sur l’Hudson, dont l’unique travée, de 872 mètres de portée, la plus hardie du monde, jetée à 140 mètres de hauteur au-dessus des plus hautes marées, devait relier bientôt New-York à New-Jersey.

Une nouvelle étude de pont sur la Manche fut donc faite, en 1889, sur ces inspirations, réduisant à 121 le nombre des piles et comportant par conséquent des travées d’une ouverture moyenne de 280 mètres. C’était déjà plus pratique. Le projet, d’ailleurs, a été remanié et amélioré depuis, et il pourra l’être très certainement encore. En l’état actuel des études[2], le tracé adopté traverse le Pas de Calais en droite ligne dans sa partie la plus étroite, — 33k, 450, — de South-Foreland à Sangatte. Il ne comporte plus que 72 piles en mer, soit 73 travées uniformément alternées de 400 et de 500 mètres, de manière à faciliter le passage des navires de toute nature. Il est certain qu’on pourrait aller encore plus loin dans cette voie ; mais, tel quel, le projet se présente dans des conditions réellement acceptables. La profondeur moyenne du détroit au-dessous des plus basses mers est d’environ

  1. Saint-Jame’s Gazette. Railway and Commercial Journal, 4 février 1892.
  2. Le Pont sur la Manche. Documens, cartes et plans, publiés par the Channel Bridge and Railway Company limited. Paris, 1894.