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n’éprouvent, eux, aucun embarras à s’expliquer : le malheur est qu’ils ne sont pas ministres, et qu’ils parlent en sens opposés. Pour M. Briand, M. Nisard ne retournera jamais à Rome, et pour M. Ribot, il y retournera prochainement. M. Delcassé et M. Combes ont écouté en silence ces opinions contraires, sans donner aucun signe d’approbation, ni de désapprobation. Le second, cependant, a dit doucement à M. Ribot : « C’est votre commentaire ; » après quoi, il est retombé dans son mutisme comme un homme qui vient de commettre une hardiesse peut-être téméraire. M. Ribot était dans ses meilleurs jours ; il a eu du bon sens, de la bonne grâce, de la bonne humeur ; il s’est amusé des embarras du gouvernement sans chercher à les aggraver ; il a constaté ceux des socialistes ministériels sans les obliger à en sortir. N’était-ce pas son rôle ? Qu’importe aux libéraux que les socialistes manquent à leurs principes, renoncent à leur programme, ou en ajournent la réalisation ? Que leur importent les perplexités du ministère, si elles l’empêchent de mal agir ? On pouvait craindre que des paroles imprudentes et peut-être irréparables ne fussent prononcées par le gouvernement : il n’en a rien été ; et ce n’était pas aux modérés de s’en plaindre. Les mêmes imprudences, de la part des orateurs les plus influens de la majorité, auraient eu une portée moindre : elles auraient pu cependant entraîner des conséquences fâcheuses. M. Jaurès s’est tu ; il a cédé la parole à M. Briand.

Celui-ci est habituellement disert ; il l’a été l’autre jour avec moins d’aisance qu’à son ordinaire. Il suffit, semble-t-il, aux socialistes d’avoisiner le gouvernement pour sentir déjà sur leurs épaules le poids des lourdes responsabilités. M. Briand en paraissait un peu écrasé. Ayant été chargé par une commission parlementaire d’étudier les divers projets relatifs à la séparation de l’Église et de l’État, il s’est appliqué à la question en conscience et s’est aperçu qu’elle était très difficile. Aussi en a-t-il parlé avec une circonspection timorée, suppliant la Chambre de ne rien préjuger avant qu’il eût terminé lui-même le rapport qu’il prépare. Si on passait outre, Dieu sait ce qui arriverait ! M. Briand a fixé une date, le mois de janvier prochain. Soit, a dit M. Combes, qui ne sera plus ministre à ce moment. Soit, a dit plus sérieusement M. Ribot, qui a beaucoup réfléchi au délicat problème des rapports de l’Église et de l’État et qui est prêt à en dire son avis. Il ne repousse d’ailleurs pas l’idée de la séparation ; tout consiste pour lui dans la manière dont on la réaliserait.

Mais, au mois de janvier prochain, on pensera peut-être à autre chose. Les socialistes, et M. Briand tout le premier, bien qu’à ce