Page:Revue des Deux Mondes - 1904 - tome 21.djvu/73

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Chacune des neuf beniqas qui s’ouvrent sur la cour intérieure du Dar-el-makhzen, représente donc un département ministériel ; ce sont de grandes pièces, complètement nues, avec des nattes et des tapis étendus sur le sol. Vizirs et secrétaires y arrivent un feutre plié sous le bras et s’accroupissent à la place accoutumée ; le ministre a, devant lui, un petit bureau, contenant un encrier, des plumes et du papier ; les secrétaires, moins favorisés, doivent tirer tout le nécessaire de leur propre chkara. Il n’y a point de tables, et tout le monde écrit sur sa main ; le seul gros meuble de la beniqa est un casier, consacré aux archives, où le secrétaire archiviste empile les registres destinés à la copie des minutes et des lettres reçues, qui sont groupées par dossiers, enveloppées dans des étoffes à ramages. Le vizir se place au fond et au milieu de la pièce ; les secrétaires s’alignent à sa droite et à sa gauche, selon une stricte hiérarchie, qui détermine leur avancement de gauche à droite, au fur et à mesure des vacances ; les deux premiers secrétaires, de droite et de gauche, sont les fonctionnaires les plus importans du département. Dans la beniqa du grand vizir, ce sont les deux directeurs du Midi et du Nord, celui de droite traitant les affaires du Haouz, celui de gauche celles du Gharb ; les autres secrétaires ne s’occupent pas d’affaires déterminées : on les emploie, selon leurs aptitudes, à tel ou tel compartiment de la littérature administrative. Ainsi s’accomplit la correspondance officielle de la beniqa, qui contient des ordres à exécuter et doit être soumise à la signature impériale ; la correspondance particulière, dans laquelle le ministre fournit aux caïds des renseignemens ou des indications, est confiée à trois ou quatre secrétaires, qui s’accroupissent au-devant du grand homme et sont appelés les secrétaires d’en face, en réalité le cabinet du vizir.

Selon son importance, chaque beniqa dispose d’un nombre plus ou moins grand de secrétaires. Le grand vizir est le plus entouré ; car sa correspondance est abondante ; il doit constamment envoyer en mission des agens de sa confiance, pour toutes les affaires délicates à régler dans les provinces. Son personnel ne contient pas moins d’une trentaine d’employés ; la beniqa de l’amin-el-oumana est aussi très peuplée ; l’allef a une dizaine de secrétaires, le ministre des Affaires étrangères un personnel un peu moindre. Chaque ministre a droit de proposition dans sa beniqa propre et choisit son monde avec l’agrément du sultan. Il