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qu’ils n’ont point à compter sur l’appui de l’Angleterre dans le bassin du Mékong. On peut s’étonner dès lors que notre gouvernement ait cru devoir traiter avec les Siamois avant d’avoir reçu cette assurance formelle. S’il eût attendu un mois de plus, il eût obtenu de meilleures conditions ; et par exemple il n’aurait pas promis d’évacuer la rive droite du fleuve, ni reconnu au Siam la faculté de pousser ses chemins de fer jusqu’à la frontière indo-chinoise sans le consentement de la France.

La déclaration sur Madagascar nous a appris que l’Angleterre avait jusqu’ici maintenu ses réserves contre un tarif douanier qui fonctionne depuis huit ans. C’est un détail que nous avions le droit d’oublier.

On ne voit trop quel nom donner au paragraphe qui concerne les Nouvelles-Hébrides, mais, à coup sûr, ce n’est pas un arrangement, puisque les deux gouvernemens promettent de s’arranger plus tard, sans toutefois porter aucune atteinte « au statu quo politique. » Or c’est justement ce statu quo qui fait toute la difficulté. C’est parce que les commissaires des deux nations se paralysent mutuellement depuis 1887, qu’on n’a pu établir aucune juridiction dans cet archipel, où trois cents Européens vivent sans lois, sans tribunaux, sans administration, sans aucune protection pour leurs personnes et pour leurs biens. Aussi longtemps que le pays sera coupé en deux, la situation ne changera guère, et les commissions mixtes perdront leurs peines. Mais il paraît que nous devons nous tenir pour très heureux que le gouvernement britannique, poussé par la Confédération australienne, n’ait pas réclamé l’annexion pure et simple de ces îles où nos compatriotes sont en majorité.


IX

Il y a beaucoup de poudre aux yeux dans toute cette poussière de traités. On y sent trop le désir de masquer l’abandon de l’Égypte. Et cependant c’est là, selon nous, la partie la moins contestable de l’arrangement. Il ne nous restait, sur les bords du Nil, qu’une épée brisée, ou, pour mieux dire, un magnifique sabre de bois, puisqu’il n’a jamais servi. Pendant plus de vingt ans, notre diplomatie a joué de cette arme inoffensive ; elle a même réussi à en tirer par-ci par-là quelques étincelles. Mais cette escrime ingénieuse ne pouvait se prolonger indéfiniment.