Page:Revue des Deux Mondes - 1904 - tome 21.djvu/828

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

flot montant de l’Unité une digue de fer et de feu, il fallait ne plus le gêner par des lamentations ou des feuilles de papier, mais le laisser passer. A tout instant, en écrivant cette histoire, je suis tenté de m’écrier : Taisez-vous donc ou agissez !

Donc, si l’entrevue de Salzbourg n’avait pas cimenté une alliance offensive et défensive contre la Prusse, elle n’avait pas fermé le casus belli ouvert entre elle et nous par son ambition et par notre protestation hargneuse.


VII

Au retour, en passant à Munich, l’Empereur, bien qu’il eût repris l’incognito, s’entretint à la gare avec le prince de Hohenlohe, président du Conseil bavarois. Il aurait dit, au récit du prince : « Je suis fâché que la Confédération Sud-allemande ne se soit pas formée. » Il semblait considérer la chose comme n’étant plus possible. Le prince fit observer que la communauté des intérêts matériels opposait un obstacle insurmontable à la formation d’une Confédération du Sud indépendante. L’Empereur répliqua : « Vous avez déjà le Zollverein. » A quoi Hohenlohe répondit : « Le Zollverein lui-même ne pourrait pas subsister à côté d’une Confédération du Sud. »

L’Empereur aurait dissipé les appréhensions causées par ce voyage s’il avait poussé jusqu’à Coblentz ou au moins jusqu’à Bade pour y voir le roi de Prusse. Göltz l’avait fait espérer, et on fut très déçu que cette visite n’eût pas répondu au témoignage de bonne amitié donné par celle du Roi à Paris. L’Empereur crut qu’il dissiperait mieux les soupçons par des déclarations publiques que par des politesses privées. Il traversa, avec l’Impératrice, la France de Strasbourg à Dunkerque, et partout il rencontra un accueil chaleureux ou sympathique.

A Arras, à Lille, à Amiens, il prononça (26-29 août) trois discours. A Arras il dit : « Vous avez raison d’avoir confiance dans l’avenir ; il n’y a que les gouvernemens faibles qui cherchent dans les complications extérieures une diversion aux embarras de l’intérieur. Mais quand on puise sa force dans la masse de la nation, on n’a qu’à faire son devoir, à satisfaire aux intérêts permanens du pays, et, tout en maintenant haut le drapeau national, on ne se laisse pas aller à des entraînemens intempestifs, quelque patriotiques qu’ils soient. »