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À Lille, il dit : « Depuis quatorze ans, beaucoup de mes espérances se sont réalisées, de grands progrès se sont accomplis. Cependant, des points noirs sont venus assombrir notre horizon. De même que la bonne fortune ne m’a pas ébloui, de même des revers passagers ne me décourageront pas. Et comment me découragerais-je, lorsque je vois, d’un bout de la France à l’autre, le peuple saluer l’Impératrice et moi de ses acclamations en y associant sans cesse le nom de mon fils ? »

À Amiens, il dit : « L’insuccès de notre politique au-delà de l’Océan n’a pas diminué le prestige de nos armées, car partout le courage de nos soldats a vaincu toute résistance. Les événemens qui se sont accomplis en Allemagne n’ont pas fait sortir notre pays d’une attitude digne et calme, et il compte avec raison sur le maintien de la paix. Les excitations d’un petit nombre n’ont pas fait perdre l’espoir de voir des institutions plus libérales s’introduire paisiblement dans les mœurs publiques ; enfin la stagnation momentanée des transactions commerciales n’a pas empêché les classes industrielles de me témoigner leurs sympathies et de compter sur les efforts du gouvernement pour donner aux affaires une nouvelle impulsion. Ces sentimens de confiance et de dévouement, je les retrouve avec plaisir à Amiens, dans ce département de la Somme qui m’a toujours montré un sincère attachement, et où un séjour de six ans (à Ham) m’a prouvé que le malheur est une bonne école pour apprendre à supporter le fardeau de la puissance et à éviter les écueils de la fortune. »

La diplomatie, de son côté, s’efforça de rassurer les cabinets. Moustier protesta des intentions pacifiques de son gouvernement ; Beust fit dire et répéter à Berlin qu’il n’avait été question entre Leurs Majestés ni des États du Sud, ni d’une Confédération de ces États, sous la protection de l’Autriche. Bismarck, instruit par ses agens, se déclara, dans la Correspondance provinciale, convaincu « que la visite faite par les souverains français a été uniquement suggérée par le désir de donner une marque de sympathique intérêt à la maison impériale d’Autriche, si cruellement frappée par le triste sort de l’empereur Maximilien, et qu’aucun projet politique, qui serait de nature à provoquer de l’inquiétude, n’a pris place dans l’entrevue. » (4 septembre.) Néanmoins, malgré cet optimisme diplomatique, les esprits demeurèrent anxieux. De toutes ces manifestations, un seul mot surnagea : les points noirs. Regardons donc de près ces points noirs.