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danubienne substituée à l’empire autrichien, une Suisse orientale à la place de l’empire turc en Europe, l’union Scandinave, l’union ibérique, la liberté pour la France ; en un mot, les États-Unis républicains d’Europe, un Congrès international permanent au-dessus de tous les pouvoirs. Le but, pourquoi le cacher ? C’est une dernière, grande et sainte croisade, une bataille de Marathon au profit de l’Europe, pour le triomphe du principe du progrès sur le principe d’inertie. » (6 septembre 1867.) Les révolutionnaires polonais déclinèrent également l’invitation : « L’heure d’un Congrès de la paix est loin d’avoir sonné pour nous. Proposer la paix en présence de deux empires babyloniens qui, du Rhin à l’Océan Pacifique, écrasent vingt nations, c’est accepter notre destinée et nous résigner à la servitude universelle. » Le total des adhérens atteignit cependant 10 000, parmi lesquels dominaient les Suisses (2 713) et les Allemands (1 669). Les Français étaient au nombre de 1006, les Italiens de 442, les Anglais de 149.

Le président du Congrès, Garibaldi, l’ouvrit sur la place publique par un cri de guerre. Arrivé le 8 septembre, il dit du haut de son balcon à la foule : « Je salue les citoyens de cette cité de Genève qui ont porté les premiers coups à la Rome papale. Le moment est venu de compléter l’œuvre de vos pères. Il y a dans la mission des Italiens, qui ont si longtemps gardé le monstre, une partie expiatoire. Notre devoir est de l’abattre, nous l’abattrons. Votre concours sera peut-être nécessaire ; j’y compte. » On fut un peu décontenancé par cette apostrophe. Il reprit : « Trouvez-vous que j’aie dit une impertinence ? — Non, non, non. — Alors, je vais vous dire quelque chose qui vous semblera plaisant : je vous recommande la concorde ! » On ne se moque pas plus cavalièrement de ses adorateurs.

Le lendemain, Garibaldi vint prendre sa présidence au milieu d’acclamations délirantes. Un Suisse fort sensé, devinant ce qui allait se passer, le docteur Schmidlin, prit la parole, il voulait bien s’associer à l’œuvre entreprise, mais par des moyens pacifiques et légaux : « Si je veux bien vivre avec mes voisins, je ne me mêle pas de leurs affaires ; ce n’est donc pas à nous de juger les institutions des autres nations ; les peuples, du reste, ont le gouvernement qu’ils méritent. La démocratie n’est pas plus la paix que l’Empire n’est la guerre ; la vanité et les préjugés des peuples causent autant de guerres que l’ambition des souverains,