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difficulté intérieure et la difficulté extérieure. A l’extérieur, il ne s’arrête pas même à la solution que j’appellerais de l’imbécillité, si elle n’avait été soutenue par des esprits nullement imbéciles, celle de s’opposer même par la guerre au passage du Mein, sans arrière-volonté de conquête sur le Rhin ; il n’en dit que ce mot décisif : « Toute déclaration de ce genre conduirait à une guerre précipitée. » Il ne s’arrête qu’aux deux solutions sérieuses : ou laisser à la Prusse le champ libre en Allemagne, sauf à se payer de ses propres mains, avec ou sans son consentement sur le Rhin, ou accepter de bonne grâce sans pensée de dédommagemens une extension qu’on déclarerait nullement inquiétante pour notre sécurité. Il indique le fort et le faible des deux partis : « le premier peut conduire à la guerre et à une guerre terrible ; le second serait une véritable provocation à l’unité, un démenti aux idées échangées à Salzbourg ; il produirait dans l’armée un détestable effet et autoriserait cette perfide, cruelle et incessante attaque dont les journaux opposans sont remplis : la France est descendue au troisième rang. »

Chaque parti avait en effet ses inconvéniens. Il restait à choisir celui qui en avait le moins. Là le courage d’esprit manque à Rouher. Il conseille de louvoyer, de fortifier le courage des États du Sud, de préparer nos alliances et de prendre ultérieurement conseil de la situation générale de l’Europe, soit pour consolider la paix, soit pour engager un duel redoutable avec la Prusse, soit pour prendre, résolument autour de nous les compensations nécessaires. A l’intérieur, l’option était également entre deux partis tranchés. La majorité des amis de l’Empire, effrayés des licences de la presse, sollicitaient l’Empereur de renoncer à des réformes auxquelles manquait encore la consécration définitive et de dissoudre immédiatement le Corps législatif ; le peuple réélirait les mêmes députés, et condamnerait les innovations dangereuses. D’autres conseillaient de persister dans la nouvelle voie et de concéder aux libéraux en bons égards ce qu’on accordait en extension à la liberté. Cette fois, Rouher paraît se résoudre à l’énergie : « Autant il serait difficile de ne pas louvoyer actuellement dans les affaires extérieures, autant il serait nécessaire d’avoir devant le suffrage universel une allure déterminée. Il faudrait lui dire carrément : le journalisme et les passions ennemies tournent violemment toute liberté nouvelle contre la stabilité des institutions ; le pays est loyalement