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LES ÉPOQUES DE LA MUSIQUE.


 
Hau le boy !
Prions à Dieu le roy des roys
Garder ce gentil vin françois !


Ce n’est encore ici qu’une ivresse aimable, à la française. Mais l’esprit de l’antiquité, l’esprit véritablement dionysiaque, inspire une chanson de Costeley :


 
La terre les eaux va buvant ;
L’arbre la boit par sa racine ;
La mer éparse boit le vent
Et le soleil boit la marine ;
Le soleil est bu par la lune,
Tout boit, soit en haut, soit en bas.


Par la grandeur, la puissance lyrique, la musique est digne de la poésie. Mais viennent les deux derniers vers :


 
Suivant cette règle commune,
Pourquoi donc ne boirions-nous pas ?


alors, avec la poésie toujours, la musique se détend et tombe, d’une chute imprévue et spirituelle. L’ode finit en chanson, par un contraste piquant, ironique, entre deux ivresses inégales, dont l’une est la joie sublime des choses, l’autre n’étant qu’un vulgaire plaisir de l’humanité.

Enfin, de cette humanité, que la musique du XVIe siècle représente ou respire tout entière, voici les forces vives et les couches profondes : voici la religion, voici l’amour.

C’est une chose considérable que la publication — faite pour la première fois, après trois siècles d’oubli — de tous les « Psaumes de Marot mis en livraisons, musique par Goudimel. » On lit dans le Dictionnaire de musique, de M. Hugo Riemann : « Goudimel, né à Besançon en 1505, fondateur de l’école de Rome. » Ce peu de mots suffirait à la gloire non seulement d’un artiste, mais d’un pays, et ce pays est le nôtre. Goudimel fut, à Rome, le maître de Palestrina.


 
Puissant, Palestrina, vieux maître, vieux génie,
Je vous salue ici, père de l’harmonie ;
Car, ainsi qu’un grand fleuve où boivent les humains,
Toute cette musique a coulé de vos mains.


Si Palestrina fut le père de l’harmonie, Goudimel en aurait donc été l’aïeul. Il a donc pris sa source en terre française, le