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devoir dans n’importe quelle situation, élevée ou humble, à laquelle mes concitoyens peuvent m’appeler, mais je ne suis pas obligé de devenir l’esclave d’un parti ou de me soumettre à des persécutions haineuses sans que cela leur profite. Ce que le Caucus demande, c’est une machine politique. Je suis un homme, et non une machine[1]. »

C’est bien, en vérité, une machine politique que le Caucus demande. Machine lui-même, il ne veut au-dessus, autour, et au-dessous de lui que des machines. Certes, les prétentions qu’émettent les Associations politiques sont énormes ; et cependant il faut convenir que, dans l’extrême rigueur logique du gouvernement du parti, elles ne sont point sans quelque fondement. Le point faible du droit des Comités est l’irrégularité de leur investiture, et la part d’usurpation qu’il y a toujours à leur origine. Quoi qu’il en soit, d’ailleurs, de ce qu’ils prétendent et de la légitimité des raisons qu’ils peuvent avoir de le prétendre, ils tendent en fait à remplacer par « l’action accidentée de corps extra-constitutionnels le fonctionnement régulier d’organes établis. » Au moins tendent-ils à remplacer le parlementarisme classique par une espèce de néo-parlementarisme, où le rôle du Parlement lui-même serait très réduit, son initiative très restreinte ; à remplacer surtout les anciens chefs de parti, pris dans le Parlement, par des chefs nouveaux pris hors du Parlement ou qui ne soient au dedans que des émissaires, des commissaires, et presque des commissionnaires du dehors. Ainsi M. Chamberlain, après 1886, lorsqu’il faisait partie du Cabinet, a été dans le ministère le leader délégué du Caucus, de l’Association extraparlementaire, beaucoup plus que le chef parlementaire de la majorité parlementaire. Et c’est, en ce sens, un déplacement de la puissance politique ; mais ce n’est pas le seul. Comme le « tireur de ficelles » a détrôné le leader, l’Association, le Comité, le Caucus ont diminué la Chambre, l’ont décapitée, l’ont frappée d’une véritable diminutio capitis, en lui envoyant toutes faites ses décisions, qui sont plutôt les leurs, et en la transformant par-là en une simple Chambre d’enregistrement. Ne les a-t-on pas vus intervenir jusque dans une question de règlement intérieur ?

En somme, le Caucus fausse absolument le régime

  1. Ostrogorski, ouvrage cité, I, 218-223.