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Ainsi du Caucus, dont les défauts vont devenir ici des vices, les prétentions, une tyrannie insupportable, la puissance, un despotisme sans limites. Pour lui aussi, il est aisé de remonter, — ce n’est pas si loin, — à ses commencemens, qui furent très petits. On en trouverait le germe ou la semence dans les comités de correspondance qui se formèrent un peu partout au moment de la guerre d’Indépendance ; plus tard, et en tant que Caucus, il fut d’abord officiel, n’étant que le Congrès délibérant séance close ; puis mixte, à la fois parlementaire et extra-parlementaire ; pour finir, extra-parlementaire surtout, mais se prolongeant et aboutissant, par des voies de lui connues, à l’intérieur du Parlement.

Une partie de sa force lui vint de bonne heure de ce sentiment généralement répandu que la politique est un combat ; qu’un parti politique est une armée ; que le devoir est de « faire face à l’ennemi, » de faire passer avant tout, de préférer à tout et presque de se préférer à soi-même, en tout cas de préférer à ses sympathies et à ses antipathies « l’intérêt du parti, la cause souveraine du parti. » Mais, si le parti est une armée, à cette armée il faut des cadres ; et, si la politique est un combat, pour ce combat, il faut un plan : il faut donc une organisation. Organisation d’autant plus serrée et solide que l’armée devait opérer, que le combat devait se livrer sur un territoire immense qui, sans cesse s’élargissait encore : c’est ce qui fait qu’on a pu dire que chaque progrès dans la vie des partis américains a été déterminé par l’extension des moyens de communication ; évidemment ; et la difficulté de mobiliser l’armée et de diriger le combat augmentait auparavant, en quelque sorte avec le carré des distances. Mais, les élections étant très nombreuses et très fréquentes, l’armée était pour ainsi dire continuellement à la bataille ou à la manœuvre : ses cadres ne pouvaient guère, en conséquence, être composés que de gens qui n’auraient pas autre chose à faire, qui vivraient de le faire, et qui, en le faisant pour vivre, donneraient naissance à une classe de politiciens professionnels.

Aux bas-officiers ou sous-officiers on ne demandait d’ailleurs point d’aptitudes ni d’études spéciales. C’était assez qu’ils fussent capables de crier tous, au signal, en mesure et d’une seule voix : Hurrah for Jackson ! ou : Tippecanoe and Tyler too ! comme, chez nous, on crie : A bas la calotte ! et (nouveau style) : La calotte, hou, hou ! On ne leur demandait pas non plus d’avoir de la