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Ce qui suit, en revanche, est loin d’être clair. Le texte, manifestement mutilé, présente des bizarreries, des incohérences, des contradictions. Ainsi, la mère de Marie Tili tient à sa fille, au sujet de Iannik Coquart, d’étranges propos auxquels rien, ne nous a préparés :


— Ma mignonne, j’ai ouï dire
Que Iannik Coquart est marié,
Quand il sera à table, à souper,
Ma fille, confessez-le ;
Et, selon ce qu’il répondra, s’il est chrétien,
Donnez-lui sa croix d’extrême-onction
Avec un cercueil de quatre planches.


Il y a là, on le pressent, quelque machination suspecte, quelque traquenard tendu au jeune homme. Celui-ci semble, du reste, faire exprès de s’y laisser prendre.


— Iannik Coquart, mon bien-aimé,
Avouez-moi la vérité :
Avez-vous femme et enfans ?
— Oui, j’ai femme et enfans,
Et voudrais bien être à la maison auprès d’eux.


Tout cela est fort énigmatique. Le fil conducteur manque. Mais ce qui est sûr, c’est qu’en parlant de la sorte, et quel que soit le sentiment qui l’y a poussé, Iannik Coquart vient de signer sa condamnation à mort.


— Iannik Coquart, mon bien-aimé,
Vous boirez bien un verre de ma main.
Je ne vous servirai pas du vin blanc :
Il risquerait de vous monter à la tête.
Je vous verserai du vin clairet,
Qui vous donnera du cœur pour marcher.


Il ne se doute pas, le malheureux, qu’avec cette voix câline et ce geste tendre, ce qu’elle lui verse, en réalité, c’est la lèpre… Des jours se passent. De retour chez lui, Iannik Coquart s’est remis aux travaux de la ferme. Il n’a plus soufflé mot de Marie Tili. Ses parens peuvent croire que Notre-Dame du Folgoat l’a guéri de son funeste amour. Mais, sans qu’il s’en rende compte lui-même, un mal autrement funeste le consume. La vengeance de Marie Tili circule, invisible, mais inexorable, dans ses veines. Et les effets ne s’en font pas attendre. Un matin que sa mère l’a