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de plus en plus importans. L’Angleterre n’a pas échappé à cette loi au cours de sa dernière expédition sud-africaine ; ce n’est qu’au lendemain de la conclusion de la paix avec les Boers, et assez longtemps même après cette date, que, toute l’étendue des dépenses à solder, des approvisionnemens à reconstituer, des travaux à faire, s’étant révélée, la dépression des fonds publics a atteint son point le plus bas. Ainsi le consolidé anglais 2 1/2 pour 100, qui se maintenait encore aux environs de 92 au printemps de 1903, est tombé à 86 en février 1904 ; il s’est aujourd’hui relevé à 90.

L’histoire de la Russie nous présente des phénomènes analogues : sans remonter bien haut, en laissant de côté l’époque des guerres napoléoniennes, celles de la guerre de Crimée, de l’insurrection de Pologne, qui marquèrent chacune une baisse notable du crédit, rappelons ce qui s’est passé lors de la guerre d’Orient, quand les armées russes franchirent le Danube, passèrent les Balkans et campèrent à San-Stefano, aux portes de Constantinople. Le 30 juin 1875, alors que rien ne menaçait la paix européenne, le 5 pour 100 russe, qui constituait l’étalon de la dette, était coté au-dessus du pair ; le 1er juillet 1876, au lendemain de la déclaration de guerre, il tombait à 86, puis, en octobre, à 77 ; en mai 1877, il connut son cours le plus bas, 73 ; il n’était encore revenu, en juin 1878, date du rétablissement de la paix, qu’à 79. Plusieurs années s’écoulèrent avant qu’une hausse de quelque importance se dessinât. Cette même guerre d’Orient avait eu une influence désastreuse sur le cours du change : le rouble papier, c’est-à-dire le billet non remboursable en espèces, avait perdu une fraction de plus en plus forte de sa valeur par rapport au métal. C’est un des points sur lesquels la situation actuelle est infiniment supérieure à celle d’il y a vingt-cinq ans : rien ne paraît aujourd’hui menacer l’étalon d’or, et le change du rouble, à l’heure où nous écrivons, est encore coté à Paris 2 fr. 665, c’est-à-dire le pair intrinsèque, Néanmoins, sans le crédit dont elle jouit au dehors et que justifie la parfaite ponctualité avec laquelle elle a toujours fait honneur à ses engagemens, la Russie aurait pu concevoir, à un moment donné, des craintes pour l’intangibilité de sa réforme monétaire, si brillamment accomplie il y a peu d’années.

En attendant, la sagesse des ministres des Finances qui ont accumulé de puissantes réserves d’or apparaît. La circulation des