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aussi bien que sur les champs de bataille : tous deux paraissent également décidés à pousser la lutte jusqu’au bout et à ne rien négliger de ce qui peut leur mettre dans les mains les armes les plus puissantes et les ressources les plus étendues. Il est évident que, sous ce rapport, la supériorité de la Russie est incontestable.

Au point de vue de ce que nous appellerons la force de résistance économique du Japon, les Anglais émettent des idées différentes de celles qui ont cours sur le continent et d’après lesquelles ce pays ne serait pas en mesure de soutenir une lutte prolongée, faute de ressources suffisantes : on a souvent répété qu’en gagnant du temps, les Russes ne donneraient pas seulement à leurs troupes le temps d’arriver en nombre sur le théâtre des hostilités, mais qu’ils useraient à coup sûr leur adversaire, incapable de faire aussi longtemps face aux dépenses militaires et navales. Les Anglais, au contraire, rappellent que la guerre n’interrompt pas le commerce extérieur d’une puissance qui est restée maîtresse de la mer ; que, depuis vingt-cinq ans, les exportations japonaises ont dépassé en moyenne les importations, que celles-ci étaient en partie motivées par les armemens et aussi l’installation d’un outillage industriel qui commence à produire ses fruits : ils prétendent en conséquence que leur allié est en mesure de continuer la lutte pendant une longue période. Les statistiques du commerce extérieur japonais, Formose comprise, pendant les cinq premiers mois de 1904, indiquent un total d’échanges de 705 millions de francs, dont 411 à l’importation et 294 à l’exportation. L’augmentation par rapport à la même période de 1903 est de près de 80 millions.

Quant aux conséquences indirectes de la guerre, elles sont encore incalculables. Ne fût-ce que la répercussion des événemens sur la Chine, il y aurait là matière à une étude des plus intéressantes, même en nous bornant au point de vue économique. Cet empire, dont la Russie a garanti l’emprunt destiné à libérer le territoire mandchou de l’occupation japonaise en 1895, manifeste aujourd’hui des velléités d’action qu’on ne lui soupçonnait pas jadis. Il n’est pas téméraire de supposer que quelques-uns des vice-rois et une partie de la population font des vœux, qui ne restent pas toujours platoniques, pour le succès de leurs frères jaunes. La Chine subit de plus en plus l’influence de ses vainqueurs d’il y a neuf ans, et, comme l’Autriche, après