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tant d’autres plus obligées. J’ai été heureux de le revoir si bien portant et n’ayant pas trop encore la ride de trente ans. La mienne est bien creusée ; ma santé, sans être plus mauvaise, est celle d’un homme qui ne peut plus beaucoup marcher sans fatigue, qui a un paletot et un cache-nez au moindre froid, et qui aurait un essai de perruque, s’il osait. Je crois bien que Hugo passera décidément à l’Académie. Mille amitiés au cher Olivier, baisers aux petits grandissans, et à vous du cœur, chère Madame,

« SAINTE-BEUVE

« Je n’oublie pas l’excellent Lèbre. »


Samedi 29 février 1840.

« Mon cher Olivier,

« J’ai tardé à vous écrire, espérant toujours qu’un mot me viendrait de la part de Mme Olivier, qui me rassurerait sur sa santé et sur ce que votre lettre me laissait d’un peu trop incertain. Est-elle donc assez indisposée pour ne pouvoir écrire ? Veuillez me dire ce qui en est au juste, mon cher ami, car je suis inquiet. Cette inquiétude empêche toute autre pensée d’aller vers vous pour vous distraire avec les choses d’ici. Si vous étiez gai, si Mme Olivier était bien portante, s’il n’y avait qu’une prochaine menace d’une petite sœur à Doudou et à Aloys, je vous dirais alors que la mascarade d’ici ne continue pas mal ; nous dînons chez Buloz mercredi avec Mme Sand : à savoir Musset, M. Rossi, M. de Rémusat, qui l’a désiré, etc., j’omets les autres, mais vous voyez que cela ne commence pas mal. Sa pièce est en répétition[1], M. de Chateaubriand a été assez malade d’un gros rhume ; il a eu les sangsues, a gardé la chambre ; enfin ç’à été tout l’appareil d’une petite maladie, lui qui semblait invulnérable comme un demi-dieu. Je répondrai à M. Monnard la prochaine fois et aurai soin que le nom du paysagiste distingué dont il me parle aille à l’oreille du mystérieux critique des beaux-arts qui doit faire le Salon à la Revue.

« Je suis très occupé, très tiraillé par le monde, y succombant un peu, et dans de réels soucis d’avenir. Pourquoi ma vie n’a-t-elle pu s’arranger à temps dans un coin du canton de Vaud ?

« Amitiés à ceux qui se souviennent de moi (Vulliemin,

  1. Cosima.