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« L’histoire du comte de Saint-Julien est charmante, j’en avais un arrière-souvenir de l’avoir entendue de M. Ducloux. Son fils est un jeune homme charmant aussi, mais je vois que la fin de tout ceci est comme toutes les fins : il faut fermer le roman à temps.

« Nous, chère Madame, qui ne faisons pas un roman du tout, mais une histoire douce et sage, il ne faut pas fermer, mais lire toujours davantage, et voilà comment votre lac me rappelle si aisément, quoique je ne sache encore si cela sera. Mais voyez en attendant. Je me livre à votre amitié.

« A vous et aux chers petits. »


Mardi, 28 avril 1840.

« Chère Madame, chers amis, je suis bien en retard et en négligence, ce semble, avec vous ; il n’y a pas de ma faute ; j’achève de tout à l’heure seulement un grand article Nodier pour la Revue, qui m’occupe depuis quinze jours sans relâche. Mon Port-Royal est publié et en route vers vous : il y a trois exemplaires de moi, l’un pour vous, l’un pour M. Monnard, l’autre pour M. Vinet ; le reste est de Renduel à M. Ducloux. Ce livre réussit fort ici et surpasse mes désirs. M. Royer-Collard, le patron de la chose, a donné le ton en en parlant tout haut, et nos belles dames ou nos beaux messieurs jasent à ravir depuis huit jours de la Mère Angélique.

« Vous savez de Mickiewicz plus ou autant que moi. Je n’ai pas eu le temps de revoir M. Cousin, le rapport sur la chaire slave a paru sans que j’eusse à m’en occuper ; les journaux vont leur train, et le public est saisi de l’affaire. Il ne faut pas oublier une chose, c’est qu’il serait possible que la Chambre, qui n’avait pas été sondée à l’avance et qui ne savait ce que c’était que le slave (quand on a prononcé tous les noms de dialectes, cela les a fait rire), ne votât pas le projet de loi. Je dis que ce serait possible, et Mickiewicz doit prévoir ce cas dans son attitude là-bas ; il ne faut pas qu’il se prononce avant le vote. J’espère pourtant que son nom fera voter la loi. — De plus, il y a ici d’autres noms mis en avant comme capables, à son refus, de la chaire : quand une place est créée, il ne manque jamais de gens capables ; on cite deux noms, ce me semble, qui, au besoin, pourraient être assez appuyés ; il ne faut donc pas qu’il se prononce là-bas avant d’avoir eu à se prononcer officiellement par devers M. Cousin.