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les montagnes par la friction des particules pierreuses qu’ils charrient sous eux et auxquelles leur énorme poids communique une faculté de pénétration considérable. En outre, ils donnent aux agens ordinaires de l’intempérisme une activité toute nouvelle et, autour d’eux, les masses rocheuses se désagrègent avec d’autant plus d’activité que les glaciers déblayent le terrain des débris produits, ailleurs si efficaces pour retarder l’attaque des portions vierges des montagnes.

En conséquence de ces dispositions, un sommet garni de glaciers s’abaisse très vite et répand, autour de lui et jusqu’à une grande distance, les fragmens arrachés à sa propre substance et que charrient dans tous les sens les torrens, les rivières et les vents. Aussi, au bout d’un temps relatif, voit-on se réduire la surface des régions situées assez haut pour constituer des cirques de condensation et d’accumulation de neige ; l’alimentation des glaciers va donc en diminuant et, malgré les incidens qui peuvent compliquer l’histoire de chaque vallée, et en première ligne les incidens de capture, les glaciers diminuent peu à peu, restreignent leur cours, édifient successivement des moraines de moins en moins éloignées de la partie axiale de la chaîne et, finalement, disparaissent pour laisser le champ libre à la végétation et aux autres manifestations d’une climature plus clémente.

Successivement, chaque massif montagneux présente les étapes de cette évolution glaciaire et on sait comment des observateurs, trop pressés et non suffisamment pénétrés du caractère éminemment progressif de l’évolution terrestre, ont conclu de la rencontre de semblables traces, en maintes localités pourvues les unes après les autres du relief montagneux, à l’ancienne extension simultanée de glaciers sur la plus grande partie de la surface terrestre.

Mais ce qui doit nous arrêter surtout ici, c’est le caractère circulatoire de la fonction glaciaire, symétrique, répétons-le, de la fonction volcanique. L’eau, des deux parts, est le moteur et, des deux parts, des masses rocheuses sont entraînées à de grandes distances, tendant à réaliser des brassages de matériaux dont profite directement la composition des zones épidermiques du globe, magasins alimentaires des êtres organisés.

Le déplacement géographique des glaciers est du reste une particularité elle-même physiologique rappelant la migration