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l’œuvre sans relâche. L’air est essentiellement actif, et il détermine des effets aussi variés qu’on les peut supposer, depuis les déplacemens purement mécaniques de particules mobiles jusqu’à des altérations chimiques profondes.

Comme agent de circulation des élémens constitutifs de la terre, l’océan aérien ne le cède en rien aux appareils précédemment mentionnés et l’on doit s’étonner qu’il y ait seulement si peu de temps que la géologie éolienne occupe dans la science la place qui lui revient légitimement. Maintenant, l’opinion est bien faite à cet égard et l’on sait que la masse atmosphérique arrache de toutes parts et sédimente en certains points des quantités colossales de matériaux pierreux.

L’état défectueux des vitres dont on éclaire les cabines, ide bains de mer, dans les pays de dunes, suffirait à lui seul pour montrer l’efficacité dénudatrice du vent charrieur de sable, même si l’on n’avait pas les mêmes preuves obtenues dans les laboratoires, sans compter les applications pratiques réalisées dans l’industrie, par exemple pour la gravure du verre. Ainsi s’explique aisément la forme de certains rochers de matières dures, vraiment sculptés et polis par le vent et présentant en maintes régions des formes aussi singulières que pittoresques. Et si le vent, par la collaboration des grains durs qu’il entraîne, se fait l’agent d’une dénudation qui peut prendre des dimensions colossales, c’est avec une intensité non moins grande qu’il devient, en bien des pays, l’édificateur de formations entières.

La lecture du livre de M. de Richthofen sur la Chine a donné, à l’égard du lœss, la notion d’une sédimentation atmosphérique aussi puissante que celle dont le fond des eaux est ordinairement le théâtre. L’air, en Chine, est empoussiéré de façon à expliquer la couleur jaunâtre d’où tirent leur nom le fleuve qui traverse le pays et la mer qui en baigne les côtes. Mais ailleurs, la contribution aérienne que reçoit le sol ou la surface de l’Océan n’en est pas moins de tous les instans et digne de fixer l’attention par ses conséquences dans l’économie générale.

C’est un lieu commun de dire que le Nil est le père nourricier de l’Egypte, mais c’est une assertion incomplète et rien n’est plus frappant dans la météorologie du pays que la collaboration active fournie à la sédimentation fluviaire par les apports éoliens. Dans l’intervalle des crues qui ont épandu sur la plaine le limon