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permettaient le conflit littoral entre l’eau douce et l’eau salée et c’est même ainsi que se sont constitués tant de gisemens de sel gemme et de gypse, dont nos marais salans d’aujourd’hui ont permis d’élucider l’histoire. Ailleurs, les cours d’eau se déversant dans le bassin océanique y constituaient des deltas tout pareils à ceux de nos fleuves et où les élémens concourans subissaient des triages, d’où fréquemment est résultée la constitution de gisemens fructueusement exploitables : par exemple, quelques dépôts houillers.

L’occasion est même exceptionnellement favorable pour revenir, afin d’en montrer l’inexactitude flagrante, sur l’ancienne théorie qui accusait un abîme entre les phénomènes du passé et les travaux actuels de la nature. Elie de Beaumont posait en fait que l’ère actuelle est caractérisée par la production des deltas, détails de la physique du globe que n’auraient pas connus les temps antérieurs au nôtre. Nulle preuve ne saurait être meilleure, pour fixer l’opinion que se faisaient nos pères de l’évolution de la terre, ou plutôt de l’absence d’évolution dans son histoire. Car, pour qu’il ne se produisît pas de deltas, il faudrait que les cours d’eau, comme les mers, eussent obéi à d’autres lois que celles qui les régissent sous nos yeux. Cette distinction, qui plaisait à l’esprit systématique d’Élie de Beaumont, n’a pas été plus justifiée pour les deltas que pour les dunes, que pour les volcans à cratères, dont le même auteur faisait aussi des privilèges des temps présens. De ce côté encore, la continuité absolue des phénomènes, le développement lent et progressif de tout l’organisme terrestre, ont reçu une confirmation d’autant plus éclatante qu’elle a été moins spontanée.

Les faciès profonds, reconnus dans les dépôts des océans actuels, se sont retrouvés dans les formations de toutes les époques et on peut croire que la physique générale de la mer a constamment présenté les caractères qu’elle nous offre toujours. Si les êtres qu’elle a nourris de tous temps montrent à l’évidence, par leurs traits anatomiques, si voisins de ceux des bêtes d’aujourd’hui, que sa composition n’a jamais beaucoup varié ; de leur côté, les sédimens qu’elle a accumulés font voir que ses qualités physiques sont restées les mêmes.

Il faut bien reconnaître que la chimie de la mer n’est pas assez avancée encore pour nous permettre de rapporter à chaque époque tout ce qui lui appartient réellement ; les explorations