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Sous l’empire des mêmes conditions et l’influence de Walter Scott, le roman historique se manifeste plus ou moins brillamment et abondamment dans toute l’Europe. En France, Alfred de Vigny, Prosper Mérimée, Balzac, Victor Hugo, Alexandre Dumas, donnent au genre un éclat qu’il ne retrouvera plus, et dont le reflet s’étend jusque sur des œuvres qui ne lui appartiennent pas, comme les Maîtres mosaïstes, Consuelo et la Comtesse de Rudolstadt. L’Allemagne romantique est représentée dans l’inventaire de M. Nield par le Lichtenstein, de Hauff, qui procède directement de Walter Scott ; l’Italie, par les Fiancés, de Manzoni, trois romans de Guerazzi, le Mario Visconti, de Grossi, Margherita Pusterla de Cesare Cantù, deux romans de Massimo d’Azeglio ; les Flandres enfin, par Henri Conscience, qui, lui aussi, rêve de faire pour sa patrie, avec l’Année des merveilles, le Lion des Flandres, la Guerre des Paysans, ce que Walter Scott a fait pour l’Ecosse.

Il n’est donc pas surprenant que le mouvement littéraire du romantisme, en tant qu’il était un retour au passé national, ait été soutenu et secondé par les mouvemens politiques qui agitèrent les diverses parties de l’Europe, principalement aux alentours de nos deux révolutions de 1830 et de 1848. Ce n’est pas un hasard qui rapproche ainsi des noms hongrois, finlandais, allemands, polonais, espagnols, — Josika, Jokai, Topélius, Fritz Reuter, Scheffel, Gustave Freytag, Sienckiewicz, Perez Galdos. Le sentiment national est, en effet, un des élémens essentiels du roman historique : il en suscite l’inspiration chez les auteurs et le goût dans le public. Aussi voyons-nous l’Angleterre, où ce sentiment est toujours si vif, si actif et, pourrait-on dire, si tendu, où la race n’est pas moins curieuse de son passé qu’elle n’en est fière, prendre le pas dans ce genre avec une production démesurée d’œuvres de toute valeur. Pas une époque de l’histoire nationale qui ne soit abondamment illustrée de romans, depuis le premier siècle, avec Beric the Briton, de G. A. Henty, et l’invasion des Romains en Grande-Bretagne, jusqu’aux romans sur les conquêtes du règne de Victoria : For the Old Flag, de Clive R. Fenn, To Herat and Cabul, du même Henty. La liste dressée par M. Nield, à l’usage de la jeunesse, des principaux romans anglais sur l’histoire d’Angleterre depuis la conquête, compte deux cent trente-cinq numéros qui vont de Guillaume le Conquérant au roi Edouard VII.

L’extraordinaire prédominance des romans anglais sur tous les autres, dans le genre historique, reste le trait le plus caractéristique de cette bibliographie, même si l’on en a, au préalable, redressé les proportions. Il n’est point pour nous surprendre ; et, aux causes