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réciproquement ? Ce sont choses différentes, qui peuvent vivre heureusement en parfaite intelligence, sans être pourtant indispensables l’une à l’autre. Mais elles l’étaient à M. Mascuraud. Il avait besoin du commerce et de l’industrie pour les représenter dans des solennités publiques en France et à l’étranger, et il avait besoin de la République, c’est-à-dire du gouvernement, pour se donner du prestige. Il a pleinement atteint son double but, surtout le second. Le gouvernement lui rend tant de services qu’on doit croire qu’il lui en rend de son côté quelques-uns : seulement, jusqu’ici, on ne savait pas lesquels. Les recommandations de M. Mascuraud sont toutes-puissantes auprès du ministère. Veut-on une distinction ou une place, c’est à lui, qu’il faut s’adresser : sans lui on n’obtient rien, avec lui, on obtient tout. Un homme dans cette situation représente sans doute très médiocrement le commerce et l’industrie, mais il peut représenter très utilement beaucoup de commerçans et d’industriels. Aussi son importance a-t-elle pris en peu d’années des proportions extraordinaires. On se demande quel rapport il y a entre M. Mascuraud et M. Chabert : rien de plus simple. C’est dans la caisse du comité Mascuraud que M. Chabert a versé ses 100 000 francs, et il estime que les Chartreux auraient été très « malins » s’ils l’avaient imité. Le comité Mascuraud est-il donc une « œuvre philanthropique patronnée par le gouvernement ? » Sans doute, à la condition de s’entendre sur les mots. Ce qui est sûr, c’est que M. Chabert, ayant une somme de 100 000 francs à placer en œuvres politiques, lui qui n’est pas un homme politique, a été embarrassé de savoir comment s’y prendre. Il a consulté M. Lagrave et M. Millerand, qui lui ont répondu tout de suite : Le comité Mascuraud ! Quand nous disons tout de suite, c’est peut-être exagéré. M. Millerand a raconté à la commission d’enquête qu’il avait consulté lui-même le ministère de l’Intérieur : là, il n’y a pas eu d’hésitation sur l’aiguillage à donner à M. Chabert et à ses 100 000 francs. Le comité Mascuraud voulait bien, en 1902, se charger de réunir des fonds en vue des élections prochaines. Avons-nous besoin de dire que rien, à nos yeux, n’est plus naturel, ni plus légitime, ni plus recommandable, ni d’un meilleur exemple, que le fait pour un comité, organe d’un parti politique, de réunir des fonds de propagande ? Cela se fait dans tous les pays libres. Toutefois, si le comité, au lieu d’être l’organe d’un parti indépendant, est celui d’un ministère, et si, entre ce ministère et lui, s’établit un échange de bons procédés qui crée de l’un à l’autre une sorte de société en participation, qui ne voit que le cas est tout différent, et qu’il peut