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Metternich en était parfaitement sûr, mais il jugea fort expédient de l’aller quérir à Brandeis, où se trouvait François II. Il estimait naguère très douteux « qu’il fût même physiquement possible d’arriver à une conclusion en cinq jours de temps[1]. » Il n’en restait plus que quatre, Napoléon lui fournissait l’occasion d’en gagner deux.

Revenu le 8 à Prague, il se mit d’accord avec Humboldt et Anstett, envoyés de Prusse et de Russie, et il se rendit ensuite chez Caulaincourt[2]. Après lui avoir demandé le secret, ce qu’il allait dire « ne devant jamais être cité, » il poursuivit : « L’Autriche n’est encore liée ni avec la Russie, ni avec la Prusse. » Elle le sera « à la cause de l’Europe, si la paix n’est pas faite le 10. » Puis il lut les instructions de l’Empereur : « Connaissant par des explications confidentielles les conditions que les cours de Russie et de Prusse paraissent mettre à des arrangemens pacifiques, et m’unissant à leur point de vue,… je ne balance point à énoncer mon ultimatum. J’attends un oui ou un non dans la journée du 10… Je suis décidé à déclarer dans la journée du 11… que je joins mes forces à celles des alliés. »

Caulaincourt avait engagé Metternich à forcer la note. Metternich, qui connaissait très bien Napoléon, ne pouvait pas se flatter de l’intimider en élevant les exigences, tout au contraire. Mais, persuadé que des conditions, même rigoureuses, seraient approuvées en France, et que, de toute façon, on reprocherait à Napoléon de les avoir repoussées, il n’avait pas hésité à conseiller à son maître de porter les points de quatre à six : moyen infaillible, selon lui, de décider le refus. Il indiqua donc les conditions suivantes : « Je les ai écrites d’après ce qu’il m’a dit, » rapporte Caulaincourt : — Dissolution du duché de Varsovie, — Dantzig à la Prusse, — restitution de la 32e division militaire, — renonciation au protectorat de la Confédération du Rhin, reconstitution de la Prusse avec une frontière tenable sur l’Elbe, — cession des provinces illyriennes à l’Autriche, — garantie de l’état de possession des puissances grandes et petites. Metternich ajouta, « d’ordre de l’Empereur, » que, faute d’acceptation le 10 août, l’Autriche déclarera, le 11 au matin, la guerre à la France ; que les conditions mises en avant ne conserveraient pas

  1. A Stadion, 30 juillet 1813.
  2. Rapport de Caulaincourt, 8 août 1813.