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bataillons de chasseurs ou régimens de zouaves ; qui mettait, du reste, à la disposition de l’armée un effectif total supérieur à celui qu’atteindront les deux classes actuellement incorporées, cela était possible, et on s’explique qu’on n’ait pas dès lors songé au dédoublement. Mais, depuis lors, on a créé d’abord des régimens régionaux, puis des quatrièmes bataillons dans tous les régimens, puis des bataillons de chasseurs à 6 compagnies au lieu de 4, des zouaves, un nombre indéterminé et infini de régimens d’infanterie de marine ; puis est venu par-dessus tout cela le service de deux ans. Il en résulte que nous n’avons plus aujourd’hui les hommes nécessaires pour remplir suffisamment en temps de paix le nombre des unités qui nous seraient indispensables pour encadrer tous les réservistes en cas de mobilisation.

Voilà la vérité. Rien ne sert de la dissimuler. À ce mal l’unique remède, — facile du reste à appliquer et sûr, — est l’adoption du principe du dédoublement.

On pourrait, bien entendu, en mitiger l’application. Il ne faudrait pas réduire uniformément tous les régimens à n’avoir en temps de paix que deux bataillons dédoublables. Il y a des corps qui sont dans des situations spéciales. Ceux, par exemple, qui sont sur les frontières et qui peuvent du jour au lendemain se trouver aux prises avec l’adversaire. Ils n’auront pas le temps de procéder à une mobilisation compliquée, ils devraient donc être dédoublés dès le temps de paix. Il y a les régimens, dits de forteresse, qui souvent sont dispersés par compagnies isolées dans les ouvrages dont ils assurent la garde ; il y a encore les régimens qui gardent Paris, Lyon, quelques grandes villes. Mais ce sont là des exceptions. Tout régiment de l’intérieur, réuni dans une même garnison, devra être organisé sur le principe du dédoublement. L’économie d’effectif qui en résulterait serait reportée sur les corps maintenus dédoublés, ou partiellement dédoublés dès le temps de paix.

À cette mesure capitale et radicale doivent s’ajouter deux mesures complémentaires, d’importance moindre, mais réelle : le recrutement absolument régional d’une part, la suppression de l’armée territoriale de l’autre.

On n’ignore pas que nous n’avons eu jusqu’ici qu’un recrutement semi-régional. Le législateur de 1872 n’a pas osé aller jusqu’au bout de son œuvre, en faisant appliquer dès le