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III

Tous les orateurs qui ont combattu le service de deux ans, après avoir traité la question des effectifs, ont insisté vivement, violemment même, sur la question des cadres : nécessité d’avoir des cadres permanens d’autant plus solides que la troupe le serait moins ; insuffisance notoire des rengagemens de sous-officiers dans notre armée, pour atteindre ce but.

Il est hors de doute que le service de deux ans portera une grave atteinte au recrutement de nos cadres. Il n’y a actuellement qu’un nombre relativement restreint de sous-officiers rengagés, et pas un seul caporal. Il faudra satisfaire, avec les élémens que fourniront deux classes, aux mêmes besoins auxquels on faisait face jusqu’alors avec trois classes. On sera donc amené à nommer des caporaux de six mois, des sous-officiers de douze à quatorze mois de service, que l’on gardera pendant huit à dix mois. Quelle expérience pourront-ils avoir ? Quelle autorité pourront-ils exercer sur leurs hommes ? Comment seront-ils autre chose que de simples porte-galons ? Dans ce laps de temps de deux ans de service, que bien des militaires considèrent comme à peine suffisant pour confirmer un simple soldat dans son métier, il faudra que nous formions des gradés capables d’instruire les autres. C’est demander l’impossible. Tout le monde le sait. La condition primordiale, absolue, pour que le service de deux ans ne produise pas une milice sans valeur, une garde nationale sans consistance, est que tous les gradés, sous-officiers et caporaux, soient placés en dehors du roulement occasionné par la courte durée du service, en un mot, soient des rengagés. Appliquer la loi nouvelle sans avoir assuré cette condition essentielle ; est un monstrueux oubli du devoir le plus impérieux. La responsabilité en pèsera un jour lourdement sur les épaules de ceux qui l’auront fait ou laissé faire.

Il faut donc arriver à constituer, pour le service de deux ans, des cadres plus solides que ne le sont ceux du service actuel de trois ans.

Est-ce impossible ? Après tout, l’Allemagne y a réussi. Et c’est lorsqu’elle a eu son cadre ainsi constitué qu’elle a abaissé le temps de service. L’armée allemande compte 80 000 sous-officiers rengagés, c’est-à-dire la totalité des gradés entre les