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[1] pièce non officielle et sans aucune authenticité. » Aberdeen, qui ne possédait ni pouvoirs ni instructions, se sentit fort embarrassé. Il en référa à son gouvernement et, deux semaines après, il notifia ses réserves expresses sous forme d’une note à Metternich : « Le soussigné, arrivé chez le prince Metternich, y trouva une pièce dressée par M. de Saint-Aignan, en forme de minute non officielle, d’une conversation confidentielle. Après lecture faite de cette pièce, le soussigné, en présence de Son Altesse le prince Metternich et du comte Nesselrode, avec lesquels l’entretien avait eu lieu, protesta contre la tournure du paragraphe où il est fait mention de l’Angleterre. Le langage tenu par le soussigné à cette occasion exprima le vœu sincère de l’Angleterre pour une paix, laquelle, basée sur des conditions équitables, assurerait l’indépendance et la tranquillité du continent et le bonheur réel de la France même. Ses remarques sur le contenu de la pièce dressée par M. de Saint-Aignan se bornèrent au passage où il est question de l’Angleterre, et s’il ne les poussa pas plus loin, ce n’est pas qu’il jugea que la pièce était complète par elle-même, mais parce qu’il regardait la communication comme privée et non officielle, et une à laquelle il n’avait probablement pas de part[2]. »

C’est avec ces commentaires, ajoutés aux réserves préalables et formelles d’Alexandre, qu’il faut comprendre ces mots de la note : « que les souverains coalisés étaient unanimement d’accord. » Les intentions des Anglais se manifestèrent d’ailleurs fort clairement. On lit dans un mémoire qui se trouve dans les papiers de Castlereagh que la France, ramenée à ses anciennes limites, serait promptement en mesure d’attaquer de nouveau l’Allemagne. Il fallait donc la contenir, et l’idée de la barrière de 1713 reparaît avec les mêmes conditions de paix européenne : « Un État intermédiaire entre la France et le bas Rhin, » composé de la Belgique, avec les territoires entre Meuse, Moselle et Rhin réunis à la Hollande. Ces vues se rattachent au royaume guelfe, marche de l’Allemagne et pied-à-terre de l’Angleterre sur le continent. Le ministère anglais y inclinait. Castlereagh écrivit à Aberdeen, le 13 novembre, c’est-à-dire deux jours avant que Saint-Aignan informât Napoléon de l’offre feinte « des limites naturelles », unanimement proposée par les alliés, y compris

  1. 9 novembre 1813.
  2. Aberdeen à Metternich, 27 novembre 1813, en français.