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celui de la France ! Tout le monde est persuadé ; chacun parle comme s’il avait vu le parchemin merveilleux où il suffirait d’apposer une signature pour mettre fin aux maux de l’Europe et de la France et réparer, d’un trait de plume, la double faute qu’il est devenu classique de reprocher à Napoléon : avoir rompu la paix d’Amiens, et ne s’être pas arrêté à Austerlitz. « Le désir de les voir accepter (ces bases) fut universel, dit Pasquier, et il se forma dans le palais, dans la ville, dans le conseil une sorte de ligue pour pousser Napoléon dans cette voie de salut. M. le duc de Vicence n’y était point étranger. » Le ministre du Trésor, Mollien, celui de la Police, Savary, enguirlandé, en son temps, « étaient des plus prononcés pour une acceptation prompte et franche. » Berthier, et « presque tous les aides de camp pensaient de même. » La Valette en avertissait l’Empereur par le Cabinet noir, Pasquier par les bulletins de « ce qui se disait » dans Paris. Ce fut un tolle général contre Maret, que l’on accusa d’être l’auteur de la réponse malheureuse du 16 novembre. Caulaincourt, rapporte Pasquier, « éclairé par les conférences de Prague sur les véritables dispositions des alliés et, disait-on, très exactement informé par son beau-frère, M. de Saint-Aignan n’hésitait pas à regarder les dernières propositions comme un ultimatum sur lequel il était indispensable de s’expliquer franchement si on ne voulait pas que la négociation fût rompue. » Et tout Paris le répétait après lui. Napoléon finit par s’inquiéter d’une désapprobation si générale, il sacrifia Maret et le remplaça aux Affaires étrangères par Caulaincourt.

Metternich fut-il averti ? Il l’aurait été par le plus avisé des informateurs qu’il n’aurait pas agi avec plus d’habileté. Il répondit à la lettre de Maret, qu’il reçut le 25 novembre, qu’avant d’accepter le Congrès, les alliés désiraient avoir « la certitude que Napoléon admettait les bases générales et sommaires qu’il avait indiquées dans son entretien avec Saint-Aignan. » Il évita de les spécifier, ce que, précisément, Napoléon voulait obtenir de lui. Les mots bases générales et sommaires trahissaient l’intention d’en découvrir d’autres, plus particulières et plus détaillées, au cours de la négociation les termes : « indiquées dans mon entretien, » n’ajoutaient à la proposition aucun caractère officiel ni aucune garantie collective[1]. Metternich se croyait sûr désormais

  1. Metternich à Maret, 25 novembre 1813.