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novembre, aurait forcé la main aux alliés. On vit le, 5 décembre ce qu’on aurait vu le 25 novembre, si ce oui était arrivé ce jour-là ; Metternich couva sa réponse quatre jours et écrivit, le 10 décembre, à Caulaincourt : « Constatant avec satisfaction que l’Empereur avait accepté les bases essentielles » de la paix, les souverains vont porter sans délai cette déclaration « à la connaissance de leurs alliés, » c’est-à-dire qu’ils vont consulter les Anglais, et ce n’est pas sur l’ouverture d’un Congrès, c’est en vue de « conférences préliminaires… » de manière à établir les bases et le mode d’une pacification définitive[1]. Il est si peu vrai que le oui eût suffi à tout aplanir, qu’il se passa tout un mois sans qu’il fût question de négocier, et que les conférences préliminaires ne s’ouvrirent que le 5 lévrier 1814. Vingt mille exemplaires de la déclaration furent lancés au-delà du Rhin et répandus « sur tous les points de la France. » Elle était antidatée du 1er décembre. Quand elle parvint à Paris, le public et les politiques s’accordèrent pour entrer dans le jeu. Ils lurent les mots : hors des limites de son empire, mais ils les lurent avec la phrase de Saint-Aignan dans les yeux, et ils comprirent limites naturelles. Eblouis par la fantasmagorie, ils virent, en imagination, les mots magiques, la limite du Rhin, surgir de l’encre sympathique, entre les lignes. La limite sacrée se dessina lumineuse, sur la carte, et ce fut désormais la plus indéracinable des légendes.


IV

Il faut maintenant pousser jusqu’à la fin de l’affaire, en se bornant à montrer la suite des procédures, seul moyen de déceler l’astucieuse et patiente politique qui a conçu le dessein et l’a conduit à terme. La délibération, ajournée à Francfort, sur la question des conférences préliminaires, se reprit à Langres, première étape fixée par les alliés dans leur invasion de la France. Castlereagh, le ministre britannique des Affaires étrangères, les y avait rejoints. Le conseil de la coalition se trouvait donc au complet, et l’on n’avait plus à conférer avec des Anglais sans instructions et sans pouvoirs.

L’empereur François demanda à Metternich un rapport, qui

  1. Metternich à Wessenberg à Londres, 6 décembre 1813.