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les Anglais, à la vérité, souhaitaient les Bourbons, tandis qu’il persistait encore à désirer Bernadotte, mais le premier point pour lui comme pour eux était de faire place nette. Metternich se rallia : « La voix publique est, en France : A bas Napoléon ! écrivait-il à Hudelist, le 9 février. Ce peuple frivole n’a pas encore réfléchi à ce qu’on pourrait mettre à la place de Napoléon. Une régence devient, dans cette horrible crise, une chose à laquelle on ne peut plus à peine penser… » Et peu à peu, avec des alternatives causées par les terribles coups que Napoléon frappait d’estoc et de taille, ils s’acheminèrent à cette solution prévue depuis 1795, pour le jour où l’on serait en mesure de refouler la France dans ses anciennes limites : le rappel des Bourbons. Ils renouvelèrent encore une fois la manœuvre qui leur avait réussi après Lutzen et Bautzen : notifier à Napoléon encore victorieux des propositions qu’il n’accepterait pas ; porter, par ce refus, le dernier coup à sa popularité, et, comme il faudrait bien que le déluge l’enveloppât, tôt ou tard, le noyer ou le contraindre à l’abdication. Ce fut une véritable capitulation qu’ils délibérèrent à Troyes le 15 février : les limites de 1792, avec cette clause outrageuse : l’exclusion de la France des négociations où les quatre régleraient le partage de ses dépouilles et la nouvelle organisation de l’Europe. « Pour supposer que Napoléon puisse souscrire à une condition si humiliante, écrit Stadion, il faudrait qu’il fût à la dernière extrémité. Les revers de l’armée de Blücher nous ont bien dû prouver le contraire. » Napoléon avait battu les Prussiens le 14, il battit les Autrichiens le 18. Il écrivit à Caulaincourt, en réponse à l’ultimatum des alliés : « Je préférerais cent fois la perte de Paris au déshonneur et à l’anéantissement de la France. Je préférerais voir les Bourbons en France avec des conditions raisonnables aux infâmes propositions que vous m’envoyez. » Et il réclama les « limites naturelles. »

Les alliés, chassés de Troyes, se retirèrent à Chaumont. Ils n’en persistèrent pas moins dans leur ultimatum. « Les questions sont tout rondement placées maintenant, » écrivit, le 26 février, Metternich à Stadion. Et, comme il prévoyait une réclamation, difficile à éluder, sur les bases de Francfort, il suggéra cyniquement celle qu’il avait sans doute préparée, dès Francfort, pour le cas où Napoléon eût accepté, où des conférences se fussent ouvertes et où les Français se seraient trouvés en présence de propositions