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à la pression des nations occidentales avait été sensible à son légitime amour-propre. De ce moment datent les programmes militaires et navals dont l’exécution a coûté si cher au Japon mais qui lui ont donné un instrument de combat de premier ordre ; de là aussi cet entraînement de tout un peuple en vue de la guerre nationale contre l’ennemi slave ; de là ce redoublement de « nationalisme » et de « militarisme » dans les écoles, dans les journaux, dans l’opinion publique. Mais les guerres les plus attendues, par cela même qu’elles ont été plus fréquemment prédites, sont souvent celles qui n’éclatent pas. Si le parti militaire ne rêvait que revanche contre la Russie et préparait la reconquête des provinces mandchouriennes, les hommes d’Etat, plus sages, acceptaient le fait accompli et, pourvu que l’intégrité de la Chine fût réellement sauvegardée, se préparaient à engager, sur le terrain économique et politique, une lutte pacifique contre l’influence européenne. Développer la production industrielle du Japon et son activité commerciale, stimuler, en Chine, le mouvement de réformes et de progrès, devenir les éducateurs du monde jaune tout entier et diriger son évolution économique, supplanter peu à peu à Pékin toutes les influences étrangères, tel fut le programme du parti dont le marquis Ito était le chef. Son influence fit d’abord signer avec la Russie deux conventions (convention Lobanof-Yamagata amendée ensuite par la convention Nishi-Rosen), qui établissaient en Corée un modusvivendi sauvegardant les droits des deux parties. Ainsi se manifestait heureusement la vertu bienfaisante qui réside naturellement dans un principe juste : une politique respectueuse de l’intégrité de l’Empire du Milieu était la seule dont l’application ne dût pas fatalement conduire à des complications sans fin et peut-être à d’irréparables malheurs.


II

La prise de possession de Kiao-Tcheou par les Allemands marque, pour la Russie, l’heure précise où s’est produite la déviation qui, de conséquences en conséquences, l’a entraînée dans la voie fatale où elle a fini par rencontrer la guerre sans être sûre de trouver la victoire.

La politique forte, mais ostentatoire et violente, que l’empereur Guillaume II a appliquée en Chine, sans ces