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fait de l’unité d’action des grandes puissances ; c’en fut fait aussi de l’espoir d’un règlement définitif des affaires chinoises. Le 17 septembre, M. de Giers, avec le personnel de sa légation, le général Linévitch et toutes les troupes qui n’étaient pas nécessaires à la police de Pékin et à la garde des légations recevaient l’ordre de se retirer à Tien-Tsin et l’exécutaient le 29 septembre. A la même date du 17, M. Pichon et la général Frey, commandant du corps expéditionnaire français recevaient de leur gouvernement l’ordre d’évacuer Pékin dans les mêmes conditions. Pourquoi cet ordre ne fut-il point suivi d’exécution ? Nous l’ignorons, mais le fait est que M. Pichon et tous les autres ministres restèrent à Pékin, semblant faire cortège au maréchal de Waldersee installé, comme en pays conquis, dans le palais impérial ; et bientôt après, une expédition internationale marchait sur Paoting-Fou et sur les tombeaux impériaux et forçait l’Empereur et l’Impératrice à s’enfuir jusqu’à Si-Ngan-Fou. Alors commencèrent d’interminables pourparlers entre le prince King et Li-Hung-Chang d’une part et les ministres étrangers de l’autre, sur les bases de la note présentée, le 30 septembre, par M. Delcassé, comme résumant le programme des exigences européennes. Mais les plénipotentiaires chinois avaient pour eux deux alliés : le temps et la distance, qui allaient user la patience des gouvernemens occidentaux, provoquer la lassitude des Parlemens, toujours nerveux dès qu’il s’agit d’expéditions lointaines, et faire naître enfin, entre les coalisés, des rivalités et des jalousies. De concessions en concessions, les diplomates européens finirent par abdiquer une bonne partie de leurs revendications ; la plupart des grands coupables, dont ils avaient d’abord demandé la tête comme une condition indispensable à toute pacification, échappèrent au châtiment ; la « civilisation » n’eut que la stérile satisfaction de quelques têtes secondaires. Après s’être essoufflée pendant des mois à des négociations dilatoires, la diplomatie finit par arriver à un règlement à peu près (satisfaisant de la question des indemnités, à la promesse de mesures peu efficaces pour prévenir le retour d’un nouveau mouvement Boxeur et à de platoniques engagemens de prohiber le commerce des armes et de tenir libre la route de Pékin. Des négociations ainsi conduites avec une cour fugitive, établie au loin et contre laquelle on tenait, avant tout, à n’être pas obligé de faire une nouvelle expédition militaire, ne pouvaient aboutir qu’à