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les écoles, traduire les livres étrangers, lire les revues et les journaux pour y voir notamment que les étrangers « comparent notre pays tantôt à un homme en état d’ivresse, tantôt même à un cadavre en putréfaction et discutent son partage, » il faut organiser l’agriculture, l’industrie, le commerce, l’exploitation des mines, en un mot mettre en valeur les richesses de la Chine, avec des procédés européens, mais au profit des Chinois. Et, pour réussir plus rapidement à réaliser toutes ces réformes, c’est aux Japonais qu’il convient de s’adresser, aux Japonais voisins de la Chine, dont la langue et les mœurs ont beaucoup de rapports avec celles des Chinois et qui ont déjà fait pour leur usage, parmi les livres européens, une utile sélection.

La Chine se transformant en un État organisé à la moderne, armé à la japonaise, muni des outils perfectionnés qui lui permettront d’exploiter elle-même ses mines et ses ressources de toutes sortes, tel est le programme tracé par le vice-roi du Hou-Koang et qui bientôt se transformera en une réalité. Déjà certains symptômes, significatifs dans un tel pays, certaines réformes en apparence insignifiantes dans les coutumes et dans l’étiquette du Palais impérial, montrent que les temps sont proches et que l’aspect extérieur de l’Empire va changer[1]. Dix ans seulement se sont écoulés et déjà, — nous avons vu par suite de quelles imprudences et de quelles fautes, — les élémens du problème extrême-oriental sont entièrement retournés. Il y a dix ans, les puissances européennes intervenaient pour sauvegarder l’intégrité de la Chine, maintenir, dans les parages des mers jaunes, un équilibre de nature à assurer la paix, et obtenir le bénéfice de la mise en valeur progressive et prudente des ressources de l’Empire du Milieu. Aujourd’hui, l’Europe, immobile et muette dans l’attente des nouvelles d’Orient, alarmée pour ses marchés, pour ses colonies, et peut-être bientôt pour l’avenir de sa civilisation, attend dans l’anxiété la fin de la plus terrible guerre qu’elle ait vue depuis longtemps.

Tel est l’aboutissement, peut-être inattendu, mais à coup sûr logique, d’une politique uniquement inspirée par la préoccupation matérielle des intérêts économiques. Des affaires, des affaires ! Des marchés, toujours des marchés nouveaux ! Et la fièvre mercantile des grandes nations de la houille et du fer, de la laine et

  1. Voyez, au point de vue de la réorganisation de l’armée chinoise : l’Armée chinoise, par le général H. Frey (Paris, 1904 ; Hachette, 1 vol. in-8o).